Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Cinéma : pourquoi les multiplexes doivent se réinventer

cinema

Par Laurent Aléonard, Pôle Léonard de Vinci

Dans un précédent article, nous avions esquissé deux scénarios pour le futur des salles de cinéma, confrontées en période post-Covid au dilemme de l’innovateur : quelles « innovations de rupture » pourraient faire revenir le public dans les salles sans pour autant dérégler leur modèle économique ? Notre hypothèse consistait à différencier le cas des multiplexes des circuits d’une part, de celui des exploitants indépendants d’autre part.

L’étude que le CNC a présentée lors du dernier festival de Cannes (Pourquoi les Français vont-ils moins souvent au cinéma, 23/05/22) confirme le besoin d’un « cinéma de proximité », lieu de convivialité et d’évènements autour du film. Mais certaines données et observations récentes indiquent que ce scénario, loin d’être spécifique à l’exploitation indépendante, pourrait aussi s’appliquer aux multiplexes.

Un quart du public manque à l’appel

Un quart du public manque à l’appel : c’est le constat de la Fédération Nationale des Cinémas Français. Les aides et prêts garantis par l’État, le succès renouvelé des Fêtes du cinéma, le rebond de la fréquentation pendant les vacances scolaires, enfin le succès de quelques blockbusters ont permis de maintenir quasiment intact le réseau de près de 6200 écrans hexagonaux. Mais ce parc, dimensionné pour 200 millions d’entrées annuelles, n’en a enregistré que 95,5 millions en 2021. Or la fréquentation est en baisse de 28 % par rapport à la moyenne des années de référence 2017-2019, et aucune prévision ne dépasse les 150 millions d’entrées annuelles en 2022-2023.

Le multiplexe à la reconquête du public

La reconversion des multiplexes, désertés par les studios hollywoodiens, en lieux d’expériences hybrides, délaissant le cinéma, ne semble finalement pas pour demain. Alors que le nombre de spectateurs dans les salles a globalement baissé de -51,4 % en 2021 par rapport à 2019, elle n’est que de -10,5 % pour les 15-24 ans. Selon l’enquête commandité par le CNC en mai 2022, parmi les 52 % de répondants qui vont au cinéma autant voire plus depuis le dernier confinement, 60 % sont dans cette même tranche d’âge. Ces chiffres peuvent augurer d’une reconquête possible d’un public particulièrement ciblé par les multiplexes, d’autant que les blockbusters américains ont eux aussi retrouvé le chemin des salles.

Mais de quel public ?

À l’inverse, comme pour l’ensemble de l’exploitation, les multiplexes ont lieu de s’inquiéter particulièrement du recul de fréquentation des 25-34 ans (-18,2 % en 2021 par rapport à 2019). D’autant que l’envie de manger de pop-corn et des confiseries en regardant un film ne rassemble que 10 % des répondants ! Autrement dit, il va bien falloir innover, mais à investissement minimal. En effet, la cherté du billet est le 2e motif, après la perte d’habitude, cité par les 48 % de répondants déclarant aller moins souvent ou plus du tout au cinéma depuis la pandémie. La fréquentation étant devenue plus occasionnelle, l’attractivité des formules d’abonnements des circuits se réduit : la carte UGC Illimité et le CinéPass Gaumont Pathé ne représentent que 6,9 % des entrées en 2021, contre 8,7 % en 2020, et 7,6 % en 2019. À l’inverse, la sortie au multiplexe, sans abonnement et même à tarif réduit, est de plus en plus onéreuse, ce qui ne pourrait que freiner davantage le retour du public.

Une programmation à réinventer ?

Si ce n’est sur la politique tarifaire, sur quelles autres attentes les multiplexes pourraient-ils innover ? En tête des films redonnant l’envie d’aller au cinéma, les réponses des sondés déclarant y aller moins souvent ou pas du tout citent ce qui compose déjà la programmation « traditionnelle » des multiplexes : de la comédie au film américain, en passant par les films de genre, mais aussi du cinéma français. On note au passage que les blockbusters en tant que tels ne sont cités que par seulement 14 % des répondants.

[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

À l’inverse, juste voir un film, qui plus est dans des conditions optimales de confort, passer un moment entre amis et sortir de chez soi et de son quotidien sont les principales raisons de l’assiduité des spectateurs déclarant aller autant voire plus souvent au cinéma.

L’offre actuelle des multiplexes répond à l’ensemble de ces attentes. Pour innover, il faudra donc créer de nouvelles attentes. On peut imaginer que la programmation d’évènements « non film » va s’intensifier, se diversifier et se sophistiquer, tout particulièrement à destination des 25-34 ans qu’il faut reconquérir, voire des 35-49 ans. UGC n’annonce-t-il pas une diffusion évènementielle des concerts du groupe Indochine à l’automne 2022 ? De même, la Ligue Française League of Legend « fait son cinéma » dans les circuits CGR et Gaumont-Pathé. Mais cette programmation n’a qu’un périmètre limité par les attentes du public, dont moins de 10 % citent la retransmission de spectacle vivant, l’e-gaming ou encore les retransmissions sportives, comme raisons de retourner en salle.

De nouveaux publics à conquérir ?

C’est peut-être sur un tout autre terrain que se joue, en partie, le futur des multiplexes. Le relatif rebond de fréquentation des 60 ans et plus, et leur moindre sensibilité à la cherté du billet, pourraient inciter les circuits à une programmation alternative. Les films d’art & essai « porteurs » y sont déjà très présents depuis de nombreuses années.

Mais la programmation de films de patrimoine, c’est-à-dire datant de 20 ans et plus, restaurés, y est très récente. Après le relatif insuccès du premier « miniplexe » flambant neuf et entièrement consacré au film de patrimoine ouvert en 2015 à Paris par Gaumont, ce même cinéma, sous l’enseigne Pathé Les Fauvettes, a repris depuis la réouverture des salles une programmation patrimoine soutenue par de nombreux évènements (séances cultes, présentation du film avec quiz, etc.) Mais plus intéressant encore, cette programmation, parfois exigeante, gagne des circuits dont elle était totalement absente, tandis que UGC semble relancer ses programmations « UGC Culte ».

Le multiplexe à l’heure du data management et du développement durable

Est-ce à dire que les multiplexes, du moins ceux d’entre eux implantés en milieu urbain, vont jouer la carte du « cinéma de proximité » que nous avions dévolu aux salles indépendantes dans notre précédente tribune ? L’hypothèse reste à confirmer. Mais l’enjeu est clairement annoncé lorsque Aurélien Bosc, PDG de Cinéma Pathé Gaumont, déclare à Cannes que le futur réside dans la performance du marketing digital des circuits : la priorité, c’est la gestion et le partage de la data collectée à la billetterie des salles, pour réellement individualiser le rapport de la salle avec chaque spectateur potentiel. Entre-temps, Pathé peaufine sa marque employeur et annonce sur son site mis à jour ce mois-ci vouloir « construire ensemble le cinéma de demain », et met à disposition du public son rapport RSE 2021. En attendant l’ouverture, en 2024, de son nouveau siège et vaisseau amiral boulevard des Capucines à Paris, qui proposera une offre hybride de cinéma, de restauration et de coworking pour les particuliers et les entreprises…

L’innovation de rupture sera donc peut-être là où on ne l’attendait pas, dans l’expérience collective, la low-tech et le développement durable, toutes tendances vers lesquelles convergent les aspirations sociétales actuelles. Peut-être verrons-nous un jour d’autres initiatives plus immersives encore quoi que d’inspirations plus « foraines » comme le fut le cinéma des origines, à l’instar de cette salle végétalisée « Cinéma et forêt » ouverte dans un multiplexes de Séoul ! Décidément, dans sa tentative de réinventer l’expérience hybride des premiers temps, celle réunissant l’artiste, l’industriel et le forain, le cinéma n’a jamais été aussi moderne !The Conversation

Laurent Aléonard, Directeur académique de l'EMLV, Pôle Léonard de Vinci

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)