Accéder au contenu principal

Cloud, IA et autonomie stratégique : l’Arcep en première ligne pour une régulation européenne proactive

En matière de cloud et d'intelligence artificielle (IA), la régulation n’est pas un frein : tel est le message que Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, le gendarme français des Télécoms, est allée porter fin juin à Bruxelles devant les parlementaires européens. Alors que la Commission mène une consultation publique sur l’avenir des politiques en matière de cloud et d’IA, le régulateur français des télécoms défend l'idée de doter l’Europe d’un cadre économique pro-investissement, stable et ambitieux, au service de sa souveraineté technologique. Forte de son expérience dans le secteur des télécoms — où la régulation a permis à la France de devenir le premier pays européen en matière d’abonnements très haut débit —, l’Arcep plaide pour une approche transposable aux infrastructures numériques du futur. Car l’enjeu dépasse de loin le simple déploiement de serveurs ou d’algorithmes car il s’agit d’assurer l’autonomie stratégique de l’Union européenne dans un contexte de dépen...

Le télétravail a renforcé le rôle des responsables du numérique

 

Les DSI exercent un pouvoir de validation des outils utilisables ou non par les collaborateurs. Mohamed Hassan/Pxere, CC BY-SA
Par Jean-Christophe Vuattoux, IAE de Poitiers et Damien De Carvalho, IAE de Poitiers

Les grèves actuelles face à la réforme des retraites vont-elles ancrer encore plus le télétravail dans nos pratiques quotidiennes ? En effet, le télétravail et plus généralement le travail à distance permettent à une grande partie des travailleurs « contourner » les perturbations liées à la grève. Ceci n’aurait peut-être pas été possible sans le tournant de la crise sanitaire qui a profondément modifié notre rapport au travail.

Comme à la sortie de toute crise, certains s’en sortent mieux que d’autres. Ainsi, alors que les managers sont au centre de la réflexion du rapport au travail et aux effets de la distance sur leurs pratiques, les directeurs des systèmes d’information (DSI), qui dirigent les équipes de techniciens informatiques, semblent avoir acquis ces dernières années une place plus importante dans l’organisation. C’est le constat dressé à l’issue d’un travail doctoral mené avant, pendant et après la crise du Covid auprès d’un panel de responsable des ressources humaines et des systèmes d’information.

Depuis le printemps 2020, l’essor du télétravail a renforcé la place des outils numériques et les réseaux dans les organisations. Peu à peu, les solutions numériques sont devenues la norme. Utiliser des outils collaboratifs comme Microsoft Teams ou les groupes WhatsApp ont pu devenir des obligations du quotidien.

« Zoom ? Non, point barre »

L’intensification de la présence des outils confère un pouvoir exacerbé aux DSI. Les outils du travail sont entrés au cœur des réflexions sur l’organisation du travail avec des plates-formes collaboratives de plus en plus complètes ou encore un renforcement de la cybersécurité. Par cette position centrale lors de la crise sanitaire les DSI vont alors en profiter pour réguler les pratiques des acteurs et ainsi asseoir leur nouvelle position. D’autant plus que, peu de règles restent explicites et encore moins écrites.

Ce pouvoir renforcé des DSI se traduit notamment par la capacité de celui-ci à orienter non seulement le choix des outils mais aussi le comportement des différents acteurs de l’organisation, parfois avec autorité. Un DSI d’une entreprise internationale en témoigne :

« Pour moi, Teams répond à 98 % des besoins, aucune raison d’utiliser autre chose. Quand quelqu’un me dit qu’il va organiser une réunion Zoom, [je lui réponds] non, point barre. Ce n’est pas une option. »

En exerçant un pouvoir de validation des outils utilisables ou non par les collaborateurs, les DSI possèdent ainsi des ressources stratégiques qui pèsent dans les différentes situations de télétravail.

Les conséquences de cette place renforcée des outils numériques et des DSI sont multiples. Premièrement, en cas de flou sur le processus décisionnel peut apparaître un shadow IT, c’est-à-dire des pratiques inconnues ou non recensées par les DSI. Par exemple, l’utilisation de groupes WhatsApp parallèles aux messageries de l’entreprise.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Deuxièmement, on voit émerger des injonctions comportementales avec des DSI qui ont le pouvoir de bloquer des applications ou des fonctionnalités et ainsi imposer de nouvelles manières de travailler ou de communiquer.

Troisièmement enfin, on a pu constater une déshumanisation et une désincarnation des espaces de communication en réaction à la standardisation des procédures de communication des échanges formels.

Une heure avec un paper board

Rien ne saurait alors a priori remplacer l’espace machine à café ou encore le fameux paper board en réunion. Même un DSI interrogé le souligne :

« je fais une réunion avec deux personnes de mon équipe, je leur dis venez sur site, on a besoin de se poser, de prendre un paper board, d’écrire dessus et à la fin de l’heure j’ai envie d’avoir des réponses. Là où depuis 6 mois on tourne autour du pot. »

Malgré leurs limites, les outils du travail à distance constituent globalement les formidables alliés d’un travail plus souple. Sur ce point aussi les DSI ont leur rôle à jouer : celui de la pédagogie. Par exemple, des formations internes aux différents outils peuvent favoriser un usage commun de ces derniers. Un DSI reconnaît l’existence de cette nouvelle exigence :

« il faudrait déjà expliquer ce que peut apporter ce type de plate-forme, comment ça favorise la collaboration et la productivité. Quand on n’est pas en train de chercher la dernière version d’un document, on gagne du temps, on sait que l’on a forcément accès à la dernière version. »

Gain de temps, de productivité, meilleure cohésion du collectif, le DSI se voit peu à peu conférer des tâches jusqu’alors réservées au responsable ou directeur des ressources humaines. Se dirigerait-on dès lors vers une place hybride des DSI au sein des organisations ?The Conversation

Jean-Christophe Vuattoux, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, IAE de Poitiers et Damien De Carvalho, Doctorant en sciences de gestion, IAE de Poitiers

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...

Écrans et santé oculaire : comment protéger nos yeux à l’ère du numérique ?

Par le Dr Camille Rambaud, co-fondateur de l’Institut Voltaire L’omniprésence des écrans dans nos vies transforme notre manière de travailler, de communiquer et même de nous divertir. Mais ce mode de vie connecté à un coût pour notre santé visuelle. Fatigue oculaire, sécheresse, maux de tête, troubles du sommeil : les symptômes de ce que l’on appelle désormais le syndrome de vision artificielle touchent de plus en plus de personnes, et ce, dès le plus jeune âge. Alors, comment protéger nos yeux sans renoncer aux technologies numériques ? Comprendre les risques : l’impact des écrans sur nos yeux La lumière bleue émise par les écrans numériques est l’un des principaux facteurs incriminés. Bien qu’elle soit essentielle pour réguler notre rythme circadien, une surexposition peut perturber le sommeil et provoquer des lésions oculaires à long terme. De plus, le clignement naturel des yeux diminue significativement devant un écran, ce qui entraîne une sécheresse oculaire accrue. Enfin, la pos...