Les députés du groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) - désormais bien connu des Français depuis qu’il a déposé la motion de censure transpartisane lundi dernier - sont-ils des pratiquants du judo ? En tout cas, quatorze députés de ce groupe en ont manié l’un des préceptes à savoir utiliser la force de son adversaire pour la retourner contre lui.
Cette « prise » parlementaire s’est déroulée le 14 mars dernier avec le dépôt d’un amendement (N° 101) au Projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, actuellement en discussion. Les députés Liot souhaitaient modifier l’article 7 du projet de loi portant sur « l’expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images par voie aéroportée », autrement dit des caméras de vidéosurveillance dotées de capacités de reconnaissance faciale. Cette possibilité inquiète au plus haut point les associations de défense des libertés comme la Quadrature du Net, qui craignent que l’expérimentation ne s’installe définitivement pour identifier des personnes comme des activistes, des militants, etc.
Garantir une prise de décision humaine
Les députés demandaient de rajouter la précision « sous réserve du respect des droits et libertés fondamentaux des personnes concernées et de l’obligation de garantir une prise de décision humaine à chaque étape du traitement. »
Pour l’exposé des motifs de leur amendement qui voulait éviter que des décisions ne soient prises que par une intelligence artificielle, les députés Liot ont décidé de faire appel… à une intelligence artificielle générative. « Ceci est le premier amendement parlementaire généré par une intelligence artificielle. Face au développement de services en ligne fondés sur l’IA, comme ChatGPT, il est nécessaire d’alerter sur les risques que peut emporter ce type de nouvelles technologies », expliquaient les parlementaires. Suivait un paragraphe de 931 signes parfaitement rédigé dont on n’imagine pas qu’il a été écrit par une IA.
« Cet exposé des motifs pourrait sembler rassurant, cependant l’intelligence artificielle peut permettre le meilleur comme le pire », rajoutent ensuite les députés. « Les questions de droits fondamentaux, de libertés publiques, de justice, de sécurité, en raison de leurs enjeux éthiques et parce qu’elles traitent des hommes et des femmes ne devraient donc jamais être laissées sous le contrôle de la seule intelligence artificielle », concluaient-ils.
Examiné ce mercredi, cet amendement a été rejeté par l’Assemblée. Et le controversé article 7 a été adopté jeudi avec 59 voix pour (majorité présidentielle, Les Républicains, Rassemblement national) et 14 contre (Nupes).