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Les correspondants de guerre russes et la propagande du Kremlin

poutine

Par Carole Grimaud, Aix-Marseille Université (AMU)

La mort d’Evguéni Prigogine, le patron de Wagner, dans le crash aérien survenu le 23 août, n’est pas sans conséquence pour le microcosme des voenkory – littéralement « correspondants de guerre » russes – et, donc, pour l’ensemble de la propagande déployée par Moscou à propos de la guerre en Ukraine.

Le terme voenkory, désormais entré dans le langage courant, désigne des blogueurs au pedigree varié – journalistes diplômés ou non, anciens de l’armée, autodidactes, aventuriers divers… –, spécialisés dans le domaine militaire, qui écrivent au quotidien pour des médias officiels ou sur les réseaux sociaux (spécialement sur Telegram) à propos de la guerre en Ukraine, souvent depuis le théâtre des opérations. Certains d’entre eux sont très suivis et exercent une influence réelle. Ils ont en partage un nationalisme véhément et un soutien sans faille à l’invasion de l’Ukraine, qu’ils jugent souvent trop lente et mal organisée.

Des positions parfois trop belliqueuses pour le Kremlin

Dans le sillage du fameux « cuisinier de Poutine », un grand nombre des voenkory n’ont pas hésité, depuis le début de l’attaque russe en février 2022, à critiquer l’armée, le système et les élites corrompues, et à réclamer le limogeage du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et du chef d’état-major Valéri Guerassimov.

La mort brutale du correspondant « indépendant » Vladlen Tatarsky (de son vrai nom Maxime Fomine) dans un attentat le 2 avril et l’arrestation du virulent Igor Guirkine (Strelkov) le 21 juillet avaient déjà suscité certains remous au sein du petit monde digital des voenkory, mais le crash du 23 août aura eu un impact nettement plus considérable.

Si ces propagandistes ultra-nationalistes ont pu sembler, un temps, incarner une élite militaro-impérialiste montante et susceptible de déstabiliser le pouvoir, il y a peu de doute que le sort réservé à Prigojine deux mois après sa « marche sur Moscou » a refroidi – peut-être seulement provisoirement – leur « turbo-patriotisme ».

Après le flottement observé parmi les correspondants « officiels » durant la rébellion menée par Prigogine le 24 juin, leur distanciation vis-à-vis du « traître », y compris chez ceux à qui il avait accordé de longues interviews, et enfin, le silence à l’annonce de sa mort sont révélateurs. Si les « indépendants » peuvent encore se permettre des critiques ou des railleries visant les forces armées russes, leur relative liberté à l’égard de la ligne officielle est aujourd’hui en sursis.

Telegram, un terrain d’expression privilégié

Pour comprendre l’émergence des correspondants de guerre et leur rôle dans la communication russe, il convient de dresser un tableau du champ informationnel digital en Russie.

Dès les premiers jours suivant le début de l’invasion de l’Ukraine, les points de situation télévisés énoncés par le porte-parole de l’armée russe se sont rapidement révélés être d’un autre âge (soviétique) et insuffisants pour une population connectée à 88 % et s’informant en ligne à plus de 68 % (chiffres en constante augmentation comme dans de nombreux autres pays). Le contrôle étatique sur l’information digitale, repris en main par le pouvoir au début des années 2010, à la suite des manifestations de la place Bolotnaïa à Moscou, s’est accompagné d’une volonté de faire du « Runet » (l’Internet russe), non sans difficultés techniques, un espace « nettoyé » des influences étrangères – et, principalement, américaines.

La guerre en Ukraine n’a fait que renforcer cette stratégie, avec l’interdiction de nombreuses plates-formes digitales, comme Instagram ou Meta et la valorisation de leurs versions russes telles que le réseau social VK ou encore le lancement de RuTube, une version russe de YouTube avec un projet de communication de propagande qui s’est rapidement révélé inefficace. Aujourd’hui, parmi les réseaux sociaux les plus utilisés par les Russes, WhatsApp et Telegram figurent respectivement à la première et à la deuxième place.

Les voenkory se sont « naturellement » imposés sur Telegram, où ils diffusent une propagande patriotique bien plus efficace que celle, laborieuse, mise en œuvre par l’État lui-même. Sous l’apparence d’une information « brute », venue directement depuis le terrain, souvent « indépendante », propre aux comptes personnels sur les réseaux sociaux, comme il en existe en France, les voenkory sont devenus une source d’information fondamentale à propos de ce qui se passe sur le front – tout en ne se départissant jamais d’un ultra-patriotisme conforme aux orientations générales du Kremlin.

Le réseau social Telegram, crée en 2013 par le Russe Pavel Dourov, qui a quitté le pays en 2014, a déjà fait l’objet d’un blocage par l’organe russe de contrôle, Roskomnadzor en 2018, blocage qui avait été levé en 2020. Aujourd’hui, la messagerie « étrangère » et ses contenus, dont le trafic en volume a dépassé en Russie celui de WhatsApp, sont au centre de toutes les attentions du pouvoir. La traque aux propos décrédibilisant les forces armées, encadrée par de nouvelles lois et sévèrement punie, est lancée.

Décorés par Poutine

La mise au pas des médias russes, particulièrement durant les guerres menées par la Russie post-soviétique (Tchétchénie, Géorgie) n’étant pas si loin, le phénomène « voenkor » n’est pas passé inaperçu à Moscou. Les correspondants militaires sont apparus comme étant particulièrement utiles au moment où le pays procède à une mobilisation largement impopulaire. La première rencontre de Vladimir Poutine avec certains d’entre eux se serait déroulée lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg au moins de juin 2022, l’intermédiaire n’étant autre que Margarita Simonian.

La directrice de RT depuis ses débuts, elle-même ancienne reporter de guerre en Tchétchénie, avait alors présenté « ses amis, ses collègues, ses patriotes » au chef de l’État. C’est également Simonian qui, au mois d’octobre 2022, coupera court aux rumeurs d’affaires judiciaires qui auraient été ouvertes contre certains voenkory qui seraient allés trop loin dans leurs critiques de l’armée et du commandement.

Loin d’être inquiétés par l’appareil judiciaire, certains correspondants se sont même vu remettre de prestigieuses distinctions, et les plus connus d’entre eux, tels Evguéni Poddoubny, Alexandre Sladkov, Semion Pegov (WarGonzo), Mikhaïl Zvintchouk (Rybar) et Alexandre Kots, ont été intégrés au groupe parlementaire de coordination pour « l’opération spéciale », créé par ordonnance présidentielle à la fin de l’année 2022.

Vladimir Poutine décore Semion Pegov de l’Ordre du Courage au Kremlin, 20 décembre 2022. www.kremlin.ru

Le processus d’« élitisation », si souvent employé par le pouvoir russe ou soviétique, consiste à s’assurer la loyauté d’un groupe à travers un système de récompenses, la distribution de pouvoir ou de richesses. Mais la mort de Prigojine, la mise au pas des voix discordantes au sein de l’armée et l’arrestation de Guirkine sont autant de messages qui ont rappelé aux voenkory que le patriotisme affiché ne suffit pas à protéger les élites : seule la loyauté absolue au régime et à son président garantit leur liberté et leur survie.

Si certains correspondants sont récompensés, parmi les quelque 150 comptes russes sur Telegram consacrés exclusivement à la guerre en Ukraine, la raison incombe notamment à leur notoriété dans l’espace digital, leur profession ou leur ancienneté : plus d’un million d’abonnés pour – WarGonzo, Rybar et OperaHonZ, quelques centaines de milliers pour ColonelCassad, quelques centaines seulement pour les moins connus.

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Certains reporters de guerre sous contrat avec la rédaction d’un média d’État se sont souvent rendus par le passé sur d’autres fronts (Donbass avant 2022, Syrie ou Afghanistan) et ont été formés au reportage de guerre par l’Union des journalistes de Moscou (organisme agissant, entre autres, sous la tutelle du FSB et des ministères de la Défense et des Affaires étrangères). Semion Pegov, Irina Kouksenkova ou Iouri Podoliak y ont été formés avant d’être récompensés pour leur couverture de la guerre en 2022.

Mais tous ne sont pas issus de la sphère journalistique. Certains indépendants sont d’anciens membres des forces de sécurité devenus blogueurs militaires, tels Igor Guirkine (Strelkov), vétéran des guerres de Yougoslavie et de Tchétchénie. Parfois même, des adolescents sont recrutés dans les territoires occupés pour s’exercer au « vrai journalisme russe des nouvelles régions » et sont plus tard récompensés de l’Ordre du Courage au Kremlin.

Un phénomène durable

Le phénomène voenkory semble avoir gagné une certaine popularité auprès des internautes russes, mais aussi ukrainiens ou occidentaux, lesquels suivent les messages, scrutent les réactions, démasquent la désinformation, analysent les renseignements et considèrent globalement ces blogueurs comme des sources dignes d’intérêt pour ce qui est communément appelé l’OSINT (Open Source Intelligence).

Toutefois, s’il est difficile de mesurer l’impact supposé de ces comptes Telegram auprès de la population russe, au-delà du nombre d’abonnés, il conviendrait de ne pas surestimer le phénomène.

Selon les données relatives aux usages des internautes russes dont nous disposons, 39 % de la population adulte suit les actualités sur les réseaux sociaux, alors que plus de 68 %, nous l’avons dit, suit l’actualité sur Internet en général. La répression extrêmement sévère portant sur les propos anti-guerre, dans la rue mais aussi dans les mémoires des téléphones portables, qui s’est aujourd’hui étendue aux critiques visant les forces armées ou le gouvernement et à la diffusion de « fausses » informations, incite de nombreux Russes à chercher à ne laisser aucune trace sur la toile. Il est, dès lors, peu étonnant que parmi les dix premières applications téléchargées sur les portables russes figurent plusieurs logiciels VPN.

Il est donc quasiment impossible d’évaluer la popularité des voenkory en Russie sur la simple base du nombre de lecteurs ou d’abonnés. Ils n’en restent pas moins un vecteur utile pour la propagande de guerre du Kremlin, en ciblant particulièrement les jeunes générations, ce que l’État n’avait pas réussi à faire, et les Russes de l’étranger, dans la volonté de contrer la presse russe exilée.

Enfin, le succès des voenkory russes dans l’information et la communication de guerre est similaire au succès des chaînes Telegram personnelles de militaires ou de journalistes occidentaux, si l’on en croit les résultats d’une recherche effectuée par l’auteure pour l’Institut méditerranéen des Sciences de l’information et de la Communication (IMSIC) auprès d’étudiants francophones interrogés durant huit mois. L’information « brute », en donnant aux récepteurs l’illusion d’être dans le feu de l’action, en dit plus que le 20h. Même si leur liberté de parole a dernièrement été nettement restreinte par le pouvoir, les voenkory ont donc encore de beaux jours devant eux.The Conversation

Carole Grimaud, Chercheure Sciences de l'Information IMSIC, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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