Accéder au contenu principal

Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

Les plus grands télescopes du monde menacés par un projet industriel

 

La Voie lactée depuis l’observatoire de Paranal, où se trouve le Very Large Telescope (VLT). La lueur rouge à droite est due au halo de la ville d’Antofagasta, bien visible malgré sa distance 100 kilomètres plus au nord. Bruno Gilli/ESO, CC BY
Par Julien Milli, Université Grenoble Alpes (UGA) et Fabien Malbet, Université Grenoble Alpes (UGA)

Il y a un mois, une annonce a fait l’effet d’un éclair dans le ciel le plus obscur de la planète.

Dans le désert d’Atacama, au nord du Chili, un projet industriel de production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables menace de compromettre la qualité du ciel pour les observatoires astronomiques les plus grands du monde, le Very Large Telescope (VLT) et l’Extremely Large Telescope (ELT, en construction).

Il met en tension la communauté scientifique, souvent en première ligne pour demander la décarbonation de notre société, notamment en astronomie. La question se pose d’arbitrer entre le développement des énergies renouvelables et la préservation du patrimoine culturel que constitue le ciel étoilé.


données satellite
Carte du Chili et de la pollution lumineuse en 2023, d’après les données satellite VIIRS. Satellite VIIRS, 2023

Plantons le décor. Nous sommes sur le mont Paranal, à 2 600 mètres d’altitude, dans le désert chaud le plus sec du monde. L’océan Pacifique est à une dizaine de kilomètres à l’ouest, et la première grande ville, Antofagasta, à 120 kilomètres vers le nord. En tant qu’astronomes professionnels, nous avons eu la chance d’arpenter ce site lors de nuits d’observation, voire d’y travailler plusieurs années. En absence de Lune et après quelques minutes d’adaptation à l’obscurité, la Voie lactée, le centre galactique et des milliers d’étoiles deviennent visibles au-dessus de nos têtes, alors que le paysage nocturne du désert d’Atacama semble éclairé par la seule voûte étoilée.

Cet émerveillement que ressent tout visiteur au VLT se traduit par une qualité de mesures inégalée au monde. Le site a été choisi dans les années 1980 par les astronomes de l’Observatoire européen austral (European Southern Observatory, ou ESO) après une longue campagne de tests. Le mont Paranal et son voisin le mont Armazones, où l’on construit actuellement l’ELT, combinent plusieurs atouts inégalés, les deux premiers étant la faible turbulence de l’atmosphère, qui améliore la résolution angulaire (la capacité à distinguer deux points très proches dans le ciel) ; et la faible hygrométrie, propice aux observations dans l’infrarouge.

En 2004, la première image d’une exoplanète a été obtenue au VLT, le prix Nobel de physique 2011 sur l’accélération de l’expansion de l’univers a été attribué pour des observations faites en partie au VLT, et le prix Nobel de physique 2020 a été attribué pour des recherches menées avec les télescopes du VLT sur le trou noir supermassif au centre de notre voie lactée.

Pourquoi le ciel de Paranal est-il inégalé ?

Ce n’est pas un hasard si les principaux observatoires astronomiques ont été construits sur les façades occidentales des continents (pic du Midi en France, côte Ouest des États-Unis, Chili) ou au sommet d’îles volcaniques de type point chaud (Hawaï, îles Canaries) situées à l’ouest de ces continents.

En effet à une certaine altitude (9-15 kilomètres), le déplacement d’air correspond au système de circulation atmosphérique engendré par la rotation terrestre qui va d’ouest en est. À cause de cette rotation, l’air qui arrive sur les façades occidentales a été très peu perturbé par la convection sur des terres chauffées par le Soleil, et donc l’écoulement est laminaire c’est-à-dire avec moins de turbulence.

[Plus de 120 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

De plus, les observatoires situés à plus de 2 000 mètres d’altitude, comme c’est le cas au Chili, se trouvent au-dessus de la couche d’« inversion thermique », qui bloque les nuages à plus basse altitude. Grâce à leur position haut perchée, ils bénéficient d’un nombre inégalé de nuits claires et peu turbulentes.

Dans le cas de l’Atacama, cette situation exceptionnelle est encore renforcée par la cordillère des Andes, à l’est, un rempart de plus de 6 000 mètres qui bloque les perturbations susceptibles d’entrer par l’est (Argentine) ou par le nord-est (Bolivie), d’où l’aridité de la région.

Des règles strictes limitent les activités humaines autour de l’observatoire

Mais ces atouts seraient réduits à néant sans l’obscurité du ciel, due à l’absence d’installations humaines dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres.

données catellites, cartes
La localisation des télescopes (Very Large Telescope et Cherenkov Telescope Array à Paranal ; Extremely Large Telescope à Armazones) et les sources de pollution lumineuse actuelles, imagées par le satellite VIIRS en 2023. Fabien Malbet, avec les données VIIRS, CC BY

L’observatoire impose des règles strictes sur les émissions lumineuses aux alentours du site : les quelques véhicules se déplaçant la nuit n’ont le droit d’utiliser que leurs feux de position ou de détresse, et les rideaux doivent être tirés dans les chambres de la résidence et les dortoirs avant d’allumer les lumières.

Aujourd’hui, les observatoires de l’ESO à Paranal et Armazones sont parmi les endroits les plus sombres de la planète, avec une pollution lumineuse bien inférieure à celle des autres observatoires.

histogramme comparant la purete des ciels au dessus des grands observatoires astronomiques dans le monde
Brillance du ciel au zénith, au-dessus des observatoires astronomiques de plus de 3 m, liée à la présence de sources de lumières artificielles. La ligne horizontale noire indique un ciel 1 % plus lumineux que la brillance naturelle du ciel. Julien Milli, avec les données de Falchi et coll., 2023, Fourni par l'auteur

Et pourtant, même dans ce paysage préservé, nous astronomes voyons à l’horizon la signature lumineuse de la ville d’Antofagasta, et même celle de la mine de cuivre à ciel ouvert la plus grande au monde, La Escondida, à une centaine de kilomètres au nord-est. Bien que les télescopes ne pointent généralement pas en dessous de 30º de hauteur en raison d’une absorption atmosphérique élevée et d’une turbulence plus importante, certains phénomènes comme la lumière zodiacale, qui est une faible lueur au-dessus de l’horizon dans le plan de l’écliptique, sont donc déjà impactés par ce halo, limitant les recherches possibles.

L’impact prévu d’un tel projet industriel sur la pollution lumineuse

En décembre 2024, l’entreprise AES Andes a lancé des procédures d’audit environnemental en vue de la construction d’un gigaprojet, nommé INNA, dont l’emprise au sol serait d’environ 3 000 hectares et qui serait situé entre 5 et 12 kilomètres du mont Paranal. Il s’agit de produire de l’hydrogène et de l’ammoniac à partir de l’électrolyse de l’eau de mer (préalablement désalinisée). Ce processus gourmand en énergie serait alimenté par l’électricité produite par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, complémentés par des batteries de stockage, et consommerait 1,7 gigawatt, selon AES Andes. Au total, l’investissement représente environ 10 milliards de dollars et inclut un port industriel pour exporter la production.

carte des installations et du projet industriel
Zoom sur les zones accueillant les télescopes, avec la localisation des infrastructures du projet industriel, dont un port. Les couleurs de rouge à jaune autour des sites indiquent la zone affectée par une augmentation de pollution lumineuse selon l’industriel AES Andes, avec une augmentation de 10% délimitée par les pointillés jaunes. Ces 10% sont gigantesques dans ce cadre, puisqu'actuellement, la brillance du ciel au zénith au dessus du mont Paranal est 0,2% supérieure à la brillance naturelle du ciel. ESO, Fourni par l'auteur

Un nouveau site industriel, certes moins étalé que la ville d’Antofagasta ou que la mine La Escondida, mais dix fois plus proche, aurait nécessairement un impact majeur sur la qualité du ciel au niveau du VLT et de l’ELT. Sur Terre, la contribution majoritaire à la pollution lumineuse est bien souvent due au secteur privé (principalement les entreprises mais parfois les particuliers), l’éclairage public ne représentant qu’une fraction minoritaire, même dans les villes. Une étude menée dans la ville de Tucson, en Arizona, a montré par exemple que l’éclairage public représente moins d’un cinquième de la brillance du ciel — les projecteurs installés dans les sites industriels, les commerces et les jardins des particuliers causant le reste.

Des conséquences désastreuses pour l’astronomie au sol

Avec une augmentation de la pollution lumineuse de deux à trois fois la valeur actuelle, non seulement les observatoires de Paranal et Armazones perdraient leur statut de ciel le plus pur du monde, mais certains objets du ciel nocturne ne seraient tout simplement plus assez visibles depuis la surface terrestre pour pouvoir les étudier, comme des galaxies très éloignées, qui sont seulement visibles actuellement en combinant une centaine d’heures d’observation.

Les poussières et aérosols libérés dans l’atmosphère par l’activité industrielle (pendant la phase de construction, ou sous l’action de brassage des éoliennes) auraient un effet amplificateur de la pollution lumineuse, car ces particules diffusent les lumières artificielles émises depuis le sol.

Mais cela menace aussi le futur réseau de télescopes Cherenkov (CTA) qui a choisi la vallée entre les monts Paranal et Armazones pour détecter les rayons gamma issus des phénomènes astrophysiques les plus énergétiques (explosion de supernovae, trous noirs…). Ce type de télescopes optiques utilise l’atmosphère terrestre comme détecteur, la présence d’aérosols ou toute source de pollution lumineuse sont donc particulièrement préjudiciables pour ces observations.

Peut-on empêcher le développement économique d’une région au nom de la recherche scientifique ?

La question est légitime, mais il n’est pas certain qu’elle soit pertinente ici. L’entreprise AES Andes met en avant que la phase de construction emploiera environ 5000 personnes, mais ce ne seront plus qu’entre 500 et 600 ouvriers qui devraient travailler sur le site dans le fonctionnement normal. Elle annonce souhaiter employer au moins 20 % de travailleuses et travailleurs « locaux » issus des petites villes de Paposo et Taltal, et de la grande ville d’Antofagasta.

On peut néanmoins questionner l’impact réel sur l’économie de la région. L’exemple des innombrables mines du désert d’Atacama montre que les entreprises préfèrent généralement employer des travailleur·se·s qualifié·e·s qui habitent dans le centre du pays, et qui viennent travailler en avion pour des séquences de quelques semaines — plutôt que de devoir former du personnel local.

Surtout, on peut se demander si le vaste désert d’Atacama n’offrirait pas d’autres sites que celui-ci, littéralement collé aux observatoires astronomiques. Qu’une industrie qui se prétend « verte » commence en manifestant son indifférence à la dégradation d’une ressource environnementale précieuse — l’obscurité du ciel nocturne — pose question.The Conversation

Julien Milli, Astronome, Université Grenoble Alpes (UGA) et Fabien Malbet, Directeur de recherche CNRS en Astrophysique, Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...