Des salariés connectés dès 6h, 153 mails par jour : Microsoft alerte sur la fin de la journée de travail classique et l’explosion des horaires étendus
Le dernier Work Trend Index Special Report de Microsoft, intitulé « Breaking down the infinite workday », dresse un état des lieux préoccupant du quotidien numérique des salariés. Fondé sur l’analyse de milliards de signaux issus de l’usage des outils Microsoft 365, croisés avec une enquête menée auprès de 31 000 actifs dans 31 pays, le rapport documente l’éclatement progressif de la journée de travail classique au profit d’un modèle fluide, sans début ni fin clairement délimités.
Des salariés connectés… dès 6 heures du matin !
Dès 6 heures du matin, près de 40 % des utilisateurs de la suite Microsoft 365 sont déjà actifs, principalement pour consulter leur boîte mail. En moyenne, un travailleur reçoit aujourd’hui 117 e-mails par jour, dont la majorité sont ouverts en moins d’une minute.
On observe par ailleurs une augmentation notable des messages collectifs envoyés à plus de vingt destinataires, tandis que les échanges individuels tendent à reculer.
153 courriels reçus en moyenne chaque jour
À partir de 8 heures, l’e-mail cesse d’être la première source de distraction. Teams prend le relais, avec 153 messages reçus en moyenne chaque jour par utilisateur. Le flux de notifications devient alors quasi constant, provoquant une interruption de l’attention toutes les deux minutes. Cette surcharge est d’autant plus marquée que la majorité des réunions se concentrent entre 9 et 11 heures, puis entre 13 et 15 heures, c’est-à-dire aux moments de la journée traditionnellement les plus propices à la concentration.
Cette organisation entraîne une fragmentation de l’attention. Près de la moitié des salariés – et 52 % des managers – décrivent leur journée comme chaotique et fragmentée. Le nombre de réunions non planifiées progresse : 57 % des échanges en visioconférence se déroulent sans invitation formelle, et 10 % des réunions programmées sont ajoutées à l’agenda à la dernière minute. Les grands rassemblements virtuels, réunissant plus de 65 personnes, sont en hausse. Dans les dix minutes qui précèdent une réunion, le volume de modifications apportées à des documents PowerPoint bondit de 122 %, illustrant une précipitation chronique.
Une "journée à triple pic" et des réunions organisées après 20 heures
La montée en puissance d’un phénomène décrit comme une "journée à triple pic" redéfinit les rythmes de productivité. Les périodes de forte activité ne se concentrent plus uniquement le matin et l’après-midi : elles s’étendent désormais jusque dans la soirée. Microsoft note une augmentation de 16 % des réunions organisées après 20 heures. À 22 heures, un tiers des utilisateurs sont encore connectés à leur messagerie. Le week-end n’est pas épargné : 20 % des salariés consultent leurs mails avant midi, et 5 % anticipent la reprise dès le dimanche soir.
Face à cette intensification, Microsoft met en garde : automatiser un processus chaotique revient souvent à en accélérer la désorganisation. L’intelligence artificielle ne constitue pas en soi une réponse suffisante, sauf à l’accompagner d’un véritable changement d’approche. L’éditeur recommande une répartition des tâches selon la règle des 80/20, qui consiste à déléguer à l’IA les missions à faible valeur ajoutée pour permettre aux équipes humaines de se concentrer sur les activités stratégiques. Il suggère également de repenser l’organisation du travail autour de “work charts” plus agiles, où des agents IA collaborent avec les humains au sein de petites cellules centrées sur des objectifs. Enfin, le rapport évoque l’émergence possible de nouveaux rôles managériaux chargés de superviser ces agents numériques.
La journée de travail traditionnelle de 9 heures à 17 heures devenue une fiction
Selon Microsoft, la journée de travail traditionnelle de 9 heures à 17 heures est aujourd’hui une fiction. Le temps de concentration est morcelé, le numérique en accélère l’érosion, et les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle se brouillent. À défaut d’une réinvention structurelle du travail, la généralisation de l’intelligence artificielle pourrait bien accentuer la pression au lieu de l’alléger.