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Le fact-checking suffit-il à garantir une objectivité journalistique ?

Vérifier les faits est essentiel, car certaines informations sont tout simplement fausses. Mais la manière dont les faits sont sélectionnés et racontés implique un tri, et aucun choix n’est jamais neutre. beast01/Shutterstock Par  Fabrice Flipo , Institut Mines-Télécom Business School Les médias mettent en avant la vérification des faits (« fact checking ») face aux fausses informations (« fake news »). Ils questionnent moins souvent la façon dont les récits sont élaborés (« storytelling »). Quelle pourrait-être la méthode pour construire un discours journalistique objectif et impartial ? Chacun a entendu parler des fake news , qui seraient supposément propagées par les réseaux sociaux. Nombreux sont les médias qui s’équipent de cellules de «  fact checking  » censées les contrer. Mais sont-elles efficaces ? Leur critère est souvent de « revenir aux faits »...

"Bloquons tout" le 10 septembre : la mobilisation numérique affiche une intensité inédite

réseaux

À trois semaines du 10 septembre, l’appel à « tout bloquer » enflamme les réseaux sociaux. Avec plus de 338 000 tweets en un mois, soit un volume supérieur de 70 % à celui observé lors des débuts des Gilets jaunes, la mobilisation numérique affiche une intensité inédite. Entre hashtags anti-gouvernement, vidéos virales sur TikTok et soupçons d’astroturfing, l’analyse de Visibrain met en lumière une contestation plurielle dont la traduction dans la rue reste incertaine.

En quelques semaines, l’appel à « tout bloquer » le 10 septembre s’est imposé comme l’un des sujets dominants des réseaux sociaux en France. Selon l’analyse publiée par Visibrain, plateforme de veille spécialisée, plus de 338 000 tweets ont été recensés en un mois, soit une moyenne de 11 287 publications quotidiennes. Un volume supérieur de près de 70 % à celui des Gilets jaunes en 2018, soulignant la puissance de cette mobilisation numérique.

Une dynamique en plusieurs phases

La chronologie des publications révèle un démarrage fulgurant : 43 % des messages ont été diffusés dès les premiers jours. L’activité a ensuite marqué un repli, avant de repartir à la hausse après le 15 août, date de l’entrée en scène de La France insoumise, dont l’appel à descendre dans la rue a généré à lui seul 15 % du volume total observé. Cette séquence illustre le rôle déterminant des acteurs politiques dans l’amplification d’un mouvement initialement diffus de façon horizontale.

Les communautés qui portent ce mot d’ordre sont loin d’être homogènes. Visibrain identifie un éventail large : anti-système, partisans d’extrême droite, militants d’extrême gauche mais aussi la sphère médiatique. Cette diversité s’exprime dans les mots-clés utilisés. Aux côtés de hashtags hostiles au gouvernement (#gouvernementdetromperie, #macrondestitution, #macrondegage) figurent des références aux Gilets jaunes, ainsi qu’un mot d’ordre en nette progression, #bloquonstout, symbole de nouvelles formes d’organisation.

Faux comptes et astroturfing

Au-delà de l’engagement spontané, Visibrain met en lumière des pratiques d’astroturfing – l’utilisation de techniques de propagande manuelles ou automatisées à des fins publicitaires, politiques… Des profils suspects, parfois capables de publier plus de 1 000 tweets par jour, ont contribué à gonfler artificiellement l’impression de mobilisation. Comme le rappelle Guillaume Sylvestre, directeur digital intelligence de l’ADIT, l’astroturfing repose sur « l’idée de faire croire à un mouvement spontané, massif et légitime », alors même qu’il peut être orchestré par des militants rémunérés ou des réseaux de faux comptes. Cette stratégie fragilise la frontière entre contestation authentique et opération de communication politique.

Si X (ex-Twitter) concentre l’essentiel de l’activité, d’autres plateformes relaient le mouvement. Sur TikTok, les contenus liés au 10 septembre cumulent déjà plus de 6,2 millions de vues. On y observe un spectre large : vidéos de soutien, appels explicites à manifester, mais aussi critiques contre certaines formations politiques, accusées de récupération. Facebook participe également à cette circulation, contribuant à diffuser le mot d’ordre au-delà des cercles militants traditionnels.

Entre effervescence digitale et incertitudes réelles

Le constat dressé par Visibrain met en évidence une mobilisation en ligne sans précédent par son intensité. Mais la question demeure : cette effervescence numérique se traduira-t-elle dans la rue le 10 septembre ? L’histoire récente, des Gilets jaunes aux mobilisations contre la réforme des retraites, a montré que le passage du numérique au terrain dépend autant de la capacité des initiateurs à structurer un mouvement que de l’adhésion des citoyens hors ligne.

À ce stade, la mobilisation reste un objet digital puissant, révélateur d’un climat de défiance généralisée, mais encore incertain dans sa traduction concrète.

 

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