Face à la recrudescence des cyberattaques visant les hôpitaux publics, Cisco lance une alerte. Infrastructures obsolètes, erreurs humaines, sophistication croissante des attaques… le système de santé français est très fragile.
La sonnette d’alarme tirée récemment par Cisco n’est pas une simple mise en garde technique pour les hôpitaux français mais une réelle alerte sanitaire. Dans un rapport dense et documenté, le spécialiste mondial de la cybersécurité constate que le système hospitalier français, déjà fragilisé, est désormais en proie à des attaques numériques d’une intensité croissante, menaçant la continuité même des soins.
Une situation critique pour des hôpitaux fragiles
Plus qu’un problème d’équipement ou de logiciels, c’est toute l’architecture numérique des hôpitaux publics, selon Cisco, qui se trouve sous pression, dans un contexte de transition numérique précipitée et de ressources limitées.
Cette situation critique a déjà été soulignée ces dernières années. Selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), en 2022, plus de 60 % des hôpitaux français utilisaient encore des infrastructures informatiques obsolètes, non mises à jour depuis plusieurs années. Une vulnérabilité structurelle que les cybercriminels exploitent avec efficacité. Les erreurs humaines représentent, à elles seules, 70 % des failles exploitées dans les cyberattaques du secteur de la santé : mots de passe faibles, mauvaise gestion des accès, absence de formation. Les conséquences dépassent largement le cadre numérique avec une paralysie de services vitaux, l’interruption des équipements médicaux, ou le vol massif de données sensibles.
Des attaques toujours plus sophistiquées
Face à ce constat, Cisco rappelle que « la cybersécurité ne peut plus être considérée comme un sujet purement technique. Elle est un enjeu de santé publique et doit être traitée comme un levier stratégique pour garantir la continuité des soins ». Une affirmation qui résonne avec les crises récentes. C’est tout un secteur sous tension qui est confronté à des attaques toujours plus sophistiquées, sans toujours disposer des moyens d’y faire face.
Les recommandations pour y faire face sont claires : remplacement des équipements vétustes, généralisation de la formation, adaptation des financements, mutualisation régionale à travers les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), sécurisation des dossiers de santé en lien avec l’Espace Européen des Données de Santé. Des outils existent pour détecter les usages à risque et sensibiliser les équipes, mais ils nécessitent des choix politiques et budgétaires assumés… à l’heure où l’État cherche des économies tous azimuts.
En 2021, Macron s’implique
Ce besoin de pilotage stratégique, Emmanuel Macron l’avait pourtant anticipé dès 2021, après les cyberattaques ayant visé les hôpitaux de Dax et de Villefranche-sur-Saône. À l’époque, le président de la République avait évoqué un « risque vital » et annoncé une accélération de la stratégie nationale de cybersécurité. Un milliard d’euros, dont 720 millions de fonds publics, avaient été mobilisés, avec pour ambition la création d’un Campus Cyber à La Défense, le triplement du chiffre d’affaires de la filière et le doublement des emplois d’ici 2025. « Il nous faut aller plus loin, plus vite, être à l’avant-garde », plaidait alors le chef de l’État. Et de rappeler que les attaques les plus destructrices naissent souvent de négligences élémentaires : un mot de passe trop évident, un mail suspect non filtré.
Mais quatre ans plus tard, l’alerte de Cisco vient interroger la portée réelle de cet effort. Car les statistiques sont implacables. En 2021, 1 582 établissements de santé avaient été touchés, soit deux fois plus qu’en 2020. Entre 2022 et 2023, trente hôpitaux ont officiellement été victimes de rançongiciels. En 2023, plus de 400 attaques ont été recensées dans le secteur de la santé, 35 % ayant eu un impact direct sur les soins. En 2024 encore, l’hôpital de Cannes a vu ses données massivement exfiltrées ; celui d’Armentières a dû fermer son service des urgences pendant 24 heures. Et si les chiffres 2025 ne sont pas encore consolidés, la tendance reste à la persistance élevée.
Dans un système de santé déjà éprouvé, la prochaine crise ne viendra peut-être pas d’un virus biologique — mais d’une faille numérique.