"Le désert de nous-mêmes" : la critique radicale d’Éric Sadin face aux illusions de l’intelligence artificielle
Dans son nouvel essai Le désert de nous-mêmes, le philosophe Éric Sadin analyse la montée en puissance de l’intelligence artificielle et ses effets sur nos sociétés. Entre pseudo-langage hégémonique, prolifération des deepfakes et automatisation des tâches intellectuelles, il met en garde contre un projet non démocratique qui menace notre rapport au monde et appelle à une réflexion critique urgente.
L’irruption de l’intelligence artificielle dans nos vies quotidiennes, personnelles comme professionnelles, au creux de nos smartphones avec les applications de ChatGPT, Claude ou Gemini, va bien au-delà d’une simple nouvelle technologie. Elle constitue un tournant intellectuel et créatif qui bouleverse des pans entiers de nos sociétés et sur lesquels il est urgent de s’interroger.
Là où Donald Trump et de nombreux PDG de sociétés d’IA de la Silicon Valley – mais pas tous – rêvent de se développer sans frein, sans garde-fous, sans modération, sans filtre, peu importent les conséquences, il faut urgemment opposer une lecture critique, la seule à même d’imaginer un cadre.
Dans son nouveau livre, « Le désert de nous-mêmes », le philosophe Eric Sadin, qui décrypte depuis plusieurs années les dessous et les enjeux des technologies numériques qui irriguent et changent nos sociétés, fait cette lecture critique de l’IA à l’heure où nombreux sont ceux qui, par ignorance ou cynisme, bad
ent ces nouveaux outils.
Ce n’est pas la première fois que l’écrivain, qui est à l’initiative du Contre-sommet de l’IA de février 2025, aborde l’intelligence artificielle. En 2018, quatre ans avant le phénomène ChatGPT, il décortiquait « L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle : anatomie d’un antihumanisme radical » et, en 2023, avec « La vie spectrale : penser l’ère du métavers et des IA génératives », il s’intéressait au métavers qui avait suscité un emballement monstre – Facebook s’est rebaptisée Meta – qui s’est essoufflé.
Avec son nouveau livre, il dégage les trois grandes conséquences de l’IA : des technologies générant un pseudo-langage appelé à devenir hégémonique ; l’impossibilité de déterminer l’origine des images – surtout avec la facilité de création de deepfake – ; et enfin la capacité des IA à réaliser plus rapidement que les humains un nombre croissant de tâches à haute compétence cognitive – même si l’IA générale qui surpassera l’Homme n’est pas encore là.
En cinq chapitres denses, Eric Sadin décrit l’évolution de notre perception de l’IA – l’enthousiasme des débuts a laissé place à des inquiétudes grandissantes – souligne combien l’IA n’est aucunement un projet démocratique et, surtout, appelle au sursaut pour que l’humanité continue à exercer sans les déléguer ses facultés pour façonner le monde de demain.