Il y a quelques années encore, téléphoner depuis un pays de l’Union européenne ou accéder à internet depuis son smartphone pouvait coûter très cher. Et ceux qui n’avaient pas souscrit un complément à leur forfait habituel avaient la désagréable surprise de trouver à leur retour des factures très salées. L’Europe a décidé de mettre un terme à cette situation – qui constituait une rente pour les opérateurs télécoms – et, depuis l’entrée en vigueur du dispositif « Roam Like At Home » en 2017, les Européens peuvent utiliser leur forfait mobile à l’étranger sans surcoût, comme dans leur pays.
Les clients itinérants moins bien servis que les locaux
Mais une étude publiée le 15 septembre par la Commission européenne nuance ce succès. Réalisée dans vingt États membres avec 47 cartes SIM de différents opérateurs, elle conclut que les utilisateurs en itinérance font régulièrement l’expérience d’une qualité de service inférieure à celle dont ils bénéficient chez eux. Dans 76 % des cas, les vitesses de téléchargement en itinérance étaient inférieures à celles enregistrées sur le réseau domestique. Pour l’envoi de données, 63 % des mesures se sont révélées moins performantes. Plus préoccupant encore, la latence s’est dégradée dans 92 % des situations observées. L’étude met aussi en évidence un écart persistant avec les abonnés locaux : dans 80 % des cas, les clients itinérants obtenaient des vitesses de téléchargement moindres que celles des utilisateurs du réseau visité.
Au-delà des chiffres, les tests montrent des inégalités entre utilisateurs itinérants d’un même réseau. Environ 55 % des cartes SIM testées affichaient des performances de téléchargement inférieures à la moyenne de l’itinérance, confirmant que l’expérience dépend non seulement du pays visité, mais aussi des accords entre opérateurs. Cette disparité suggère que les contraintes techniques ne suffisent pas à expliquer la situation : la dégradation constatée pourrait aussi résulter de pratiques commerciales ou de politiques de priorisation du trafic.
L’accès à la 5G limité sans raison
La fluidité des communications transfrontalières reste également un défi. Lors de passages de frontière, certaines cartes SIM ont mis plus de dix minutes à se reconnecter au réseau local, une durée jugée problématique dans une Union qui mise sur la mobilité sans rupture numérique. Environ 20 % des reconnections observées dépassaient ce seuil.
Pourtant, l’étude montre que les infrastructures sont prêtes : 70 % des tests ont été effectués en 5G. Mais dans plusieurs pays, dont la Croatie, la Grèce ou la Hongrie, certains abonnements limitaient l’accès à la 5G en itinérance, contraignant les utilisateurs à la 4G, malgré la disponibilité du réseau.
Ces constats nourrissent la réflexion de la Commission sur l’application du règlement (UE) 2022/612. Celui-ci prolonge le « Roam Like At Home » jusqu’en 2032 et impose aux opérateurs de garantir une qualité de service équivalente, dans la mesure du techniquement possible. Les résultats de l’étude, transmis au Parlement européen et au Conseil, devraient relancer le débat sur la conformité des pratiques et la protection effective des consommateurs. Car derrière la promesse d’une Europe numérique sans frontières, persiste une réalité : voyager reste souvent synonyme de concessions en matière de qualité de connexion.