Selon le baromètre publié par L’Étudiant à l’occasion de son Salon du journalisme, marketing et communication, 85 % des 15-20 ans voient dans le journalisme un métier d’utilité sociale. Mais ils pointent aussi les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle comme les principaux vecteurs de désinformation. Le journalisme conserve, aux yeux des 15-20 ans, une valeur essentielle : celle de servir l’intérêt collectif. Tel est l’un des enseignements majeurs du baromètre publié par le magazine L’Étudiant à l’occasion de son Salon du journalisme, marketing et communication, organisé le 8 novembre prochain au Newcap Event Center à Paris. Pour 85 % des jeunes interrogés, le métier de journaliste remplit une fonction d’utilité sociale en informant et en sensibilisant. Mais cette reconnaissance ne va pas sans ambivalence : 23 % regrettent qu’il soit peu valorisé, et 58 % jugent que son influence s’est affaiblie face à la vitesse de circulation des contenus...
La parole «décomplexée», violente, insultante, raciste, homophobe ou antisémite qui semble s’être libérée dans la rue et plus généralement dans l’espace public - notamment depuis les débats sur le mariage pour tous - l’a d’abord été, et continue de l’être, sur internet et les réseaux sociaux au sein de ce que l’on appelle la «fachosphère». Dans cette nébuleuse de sites web ou de pages Facebook aux contours flous s’exprime une haine quotidienne. Au centre de cette constellation, des sites ou des blogs d’extrême droite très actifs - comme Français de souche ou Novapresse - et dont certains sont clairement racistes et xénophobes. S’ils relaient souvent les thèses du Front national, ils savent aussi s’en éloigner pour exprimer des opinions bien plus radicales. Tous explorent souvent, sur fond conspirationniste, les mêmes thèmes jusqu’à la caricature, relayant rumeurs et fausses informations : l’immigré responsable du chômage, les francs-maçons et l’establishment qui cachent des choses, l’islam qui veut imposer la charia, etc.
Cette nébuleuse numérique se développe d’autant plus facilement qu’elle profite à plein de deux éléments au fondement du web. Le premier, ce sont les liens hypertextes qui permettent de relier entre eux tous ces sites vecteurs de haine. De clics en clics, on navigue ainsi sur les sites identitaires, traditionalistes, réactionnaires, fondamentalistes, etc. En 2011, les étudiants de l’École supérieure de journalisme de Lille avaient répertorié, dans le cadre du projet Trans Europe Extrême, pas moins de 377 blogs et sites liés à la fachosphère. Un nombre qui n’est pas allé en diminuant.
L'anonymat désinhibe la parole
Le second élément qui pousse à la multiplication de ces sites est bien sûr l’anonymat des auteurs des commentaires qui rédigent leurs textes sous pseudonyme. Un anonymat certes illusoire puisque la justice a les moyens de retrouver l’auteur de textes tombant sous le coup de la loi, mais un anonymat qui désinhibe la parole extrême comme le constate Christophe Alcantara, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse I-Capitole. «Il y a deux composantes : le fait de se cacher participe à désinhiber les gens, mais ce qui désinhibe aussi c’est la mise à distance. Il est beaucoup plus facile d’insulter quand on n’a pas la personne en face», explique le chercheur. «Quand on prend de la hauteur sur la fachosphère, comme d’ailleurs sur l’islamosphère djihadiste, on voit des mouvements identitaires, des sentiments communautaires dont la dynamique est développée par les réseaux sociaux. On a des gens qui pensent les mêmes choses, se rassurent entre eux et créent un phénomène qui s’auto-entretient par des itérations successives. Il y a alors un vrai sentiment de toute-puissance.» Et trop souvent d’impunité...
