Accéder au contenu principal

Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

Enfants, parents : déjouer les pièges du net

Sitôt sortis de l'école, ils se retrouvent pour « chatter » sur la messagerie instantanée Messenger, racontent leurs journées sur leur Skyrock blog et mettent à jour leur statut sur le réseau social vedette Facebook où ils collectionnent les amis et les amis des amis. Eux, ce sont les ados des années 2000, cette « génération Y » née avec internet et qui vit tellement au quotidien sur la Toile - les chiffres l'attestent enquête après enquête - qu'elle en oublie presque les pièges et les chausse-trappes du net. C'est bien pour éviter que les ados ne tombent dedans que les adultes et les associations se mobilisent et tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme.

Le 9 février dernier, la 7e édition du « Safer internet day », une initiative internationale lancée par la Commission européenne, s'est déroulée autour du thème « Tu publies ? Réfléchis », avec conférence, ateliers et jeux en ligne pour les adolescents. Hier, en pleine polémique sur le site Chatroulette (lire ci-dessous), l'association Familles de France a lancé son opération « Tu t'es vu sur ton blog ? », qui se concrétisera par une série de conférences et des interventions en milieu scolaire. « Au moins 30 % des élèves de CM2 et 60 % des cinquièmes ont un blog, et si à l'époque des journaux intimes, les jeunes étaient auteurs, ils sont aujourd'hui devenus éditeurs et diffuseurs, et ce sans réaliser les conséquences », explique Michel Bonnet, soulignant que les enfants ne font pas le distinguo entre sphères privée et publique. « Ils ne prennent pas conscience que les informations peuvent être lues par tous, autres camarades de classe, mais également adultes pas toujours bien intentionnés », expose Familles de France.

Droit à l'oubli

« Les photos que nous mettons en ligne restent sur les réseaux et peuvent resurgir des années plus tard… Or, par exemple, une photo délirante d'une fête publiée aujourd'hui par un jeune sur internet peut s'avérer lourde de conséquence lors d'un entretien d'embauche des années plus tard », détaillait début février l'association Internet sans crainte.

Car derrière les dangers auxquels peuvent s'exposer les enfants en publiant des informations intimes sur internet, c'est bien la question du droit à l'oubli qui se pose à l'ensemble de la société et plus encore celle de la régulation - ou du filtrage et donc de la censure pour certains. Ce droit a l'oubli, qui fait l'objet d'une proposition de loi sénatoriale cosignée par la sénatrice aveyronnaise Anne-Marie Escoffier et que la CNIL voudrait voir inscrit dans la constitution.

Conseils. Enfants, parents : les solutions
L'association Internet sans crainte, membre de l'Insafe, est le relais en France du « Safer internet day » dont le thème cette année était « Tu publies ? Réfléchis. » L'association aide également les parents et vient d'éditer une plaquette « La sécurité sur Internet. Si on en parlait en famille », téléchargeable sur le site de l'association à l'adresse www.internetsanscrainte.fr
Pour les parents, Internet sans crainte donne plusieurs conseils, notamment le fait de mettre l'ordinateur dans une pièce commune ou encore, avant d'acheter un jeu vidéo, de consulter la classification PEGI.
L'association e-Enfance (www.e-enfance.org) insiste, elle, sur la mise en place d'un contrôle parental. « Depuis 2006 tous les fournisseurs d'accès à internet ont l'obligation de fournir à leurs clients un système de contrôle parental gratuit. Ces systèmes permettent de filtrer les contenus à risque selon l'âge de l'enfant. Cependant il faut savoir que si ces logiciels de sécurité sont de plus en plus performants, interdisant l'accès aux sites d'argent, de pornographie et même de chat, ils ne sont pas efficaces à 100 % », explique l'association. La création de session informatique pour chaque membre de la famille ; la limitation des horaires de connexion et de jeux ; le contrôle des contacts de messagerie ou sur Facebook sont aussi des pistes. Mais le dialogue parents-enfants reste le meilleur moyen de se protéger des risques du net.

Chatroulette : le porno en embuscade

C'est LE site web du moment par qui le scandale arrive ; et surtout, l'exemple parfait qui montre que derrière une idée anodine et sympathique peuvent se cacher des intentions malhonnêtes. Chatroulette, donc, est un site internet lancé fin 2009 par un jeune lycéen russe de 17 ans, Andrey Ternovskiy. Le principe est un jeu d'enfant. Une fois connecté avec votre navigateur sur www.chatroulette.com, le site - théoriquement interdit aux moins de 16 ans mais accessible à tous - vous met en contact, via la webcam de votre ordinateur, avec un autre internaute connecté de la même façon et choisi au hasard selon le principe de la roulette russe. S'engage alors, ou pas, un dialogue ; une touche, « next », permettant à tout moment de zapper vers un autre ami potentiel. Mais les échanges spontanés ont vite donné lieu à des dérapages. Scènes de nus, insultes, voire masturbation sont devenus le lot commun des utilisateurs, notamment les jeunes puisque le site n'était pas sur les listes noires des logiciels de contrôle parental.

L'association e-Enfance s'en est ouverte auprès des éditeurs et Chatroulette est donc passé de la catégorie « chat » à celle de « site avec un contenu à caractère illicite et inapproprié. »

Profitant de la polémique sur le site russe, la secrétaire d'État à la Famille, Nadine Morano, a souhaité mardi « une mobilisation de l'ONU » pour lutter contre les dangers encourus par les enfants confrontés à la pornographie sur internet, estimant qu'il fallait « réguler internet » au niveau mondial.


Témoignage : « ça me fait un peu peur »

Patrice, jeune père toulousain de Jérôme, 11 ans, et de Coralie, 16 ans.

« Depuis quelques mois, ça me fait un peu peur de les voir passer leurs journées, pour le garçon entre l'iPod, la console PSP (où l'on peut charger des films ou des jeux violents) et l'internet ; et pour la fille avec son ordinateur portable sur Facebook, MSN, son blog Skyrock.

Sur Facebook, j'ai demandé à ma fille de devenir son ami, mais elle a refusé. Ce n'est pas grave, j'ai confiance en elle, mais c'est vrai que, comme parent, on est un peu inquiet de ne pas pouvoir maîtriser cela. Elle pourrait être confrontée sur le net à des images pornographiques ou être embêtée par un petit copain mal intentionné. En résumé, ils sont un peu devenus accros et ils ne sont donc pas à l'abri d'une mauvaise expérience sur le web.

Le principal, c'est de pouvoir fonctionner à la confiance avec eux car de toute façon on ne peut pas tout cadenasser avec un logiciel de contrôle parental. Parmi leurs copains il y en aura toujours un pour arriver à contourner les protections. Pour rester positif, il faut se dire que pour eux, se connecter à ces réseaux sociaux, échanger sur MSN, c'est une façon de rester ensemble après l'école, c'est un mode de relation qui est de leur génération. »

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...