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Les questions que pose l'Interdiction de TikTok aux fonctionnaires français

  Avis de Constantin Pavléas, avocat spécialisé en droit des technologies, fondateur et dirigeant du cabinet Pavléas Avocats et responsable d'enseignements à l'école des Hautes Études Appliquées du Droit (HEAD). Le gouvernement français vient d’emboiter le pas à d’autres pays occidentaux (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni..) et organisations internationales (Commission européenne) et interdit à ses fonctionnaires l’installation et l’utilisation de certaines applications « récréatives » sur leurs téléphones professionnels, tels que TikTok, de streaming (telles que Netflix) ou de jeux (tels que Candy Crush),. Les raisons de cette interdiction invoquées par le gouvernement sont les « risques en matière de cybersécurité et de protection des données des agents publics et de l’administration. »   Depuis quelques mois déjà, TikTok était sur la sellette aux Etats-Unis qui soupçonnent le réseau social chinois d’être un cheval de Troie des autorités chinoises. L’interdiction de TikTok sur

Europe : un an de Règlement général sur la protection des données (RGPD)


rgpd


Le Règlement Général sur la Protection des Données est entré en application il y a un an, le 25 mai 2018. Il y a quelques semaines, lors de la présentation du rapport d’activité 2018 de la CNIL, la nouvelle présidente de la Commission, Marie-Laure Denis, a annoncé « la fin d'une certaine forme de tolérance liée à la transition en matière de RGPD ». La CNIL s’est en effet volontairement montrée « tolérante » vis à vis des entreprises, afin de leur laisser le temps de finaliser leurs projets et de se mettre en conformité.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Après un an, quels constats font les entreprises spécialisées sur de la protection des données et de la cybersécurité, du niveau de préparation et de conformité des entreprises françaises ?
Deux spécialistes des sociétés Zscaler et Varonis livrent leur point de vue.

«  La première année du RGPD a été marquée par un renforcement de la gestion des données »  

Par Rainer Rehm, Responsable Data Privacy EMEA de Zscaler

Durant cette première année d’existence, le RGPD a amené les entreprises à une meilleure gestion de leurs données. Elles ont été contraintes à adopter une approche proactive pour protéger et gérer ces dernières. Pour ce faire, il a été nécessaire de s'assurer d'avoir une vue d'ensemble des différents fichiers de données, souvent conservés dans des services distincts, et déterminer si les informations personnellement identifiables (IPI) avaient l’autorisation d’être utilisées.

Dans de nombreux cas, les entreprises ont réagi de manière excessive en supprimant des fichiers entiers de données qui ne répondaient pas à l'exigence du double consentement fixée par le RGPD, souvent parce qu’elle ne savait pas comment traiter correctement cette exigence. Alors que d’autres entreprises ont lancé des initiatives, de dernière minute, de collectes de consentement afin d’obtenir l’autorisation des utilisateurs pour stocker et traiter leurs données… Dans la plupart des cas, cela n’a pas eu l’effet escompté et elles ont dû finalement supprimer des données, réduisant considérablement leurs bases de données.

De plus, les entreprises ont dû mettre en place des technologies les aidant à mieux contrôler et protéger leurs actifs numériques ainsi à retirer des informations utiles pour mettre à jour son dispositif de sécurité, issues de sources diffuses, différents services communiquant ensemble, etc. Des processus sont désormais en place pour gérer plus efficacement ces données et nous constatons que la compréhension des entreprises vis à vis de leurs données est meilleure notamment sur le lieu de stockage des données et les personnes qui y ont accès. Cela était nécessaire pour respecter les nouvelles exigences en cas de perte de ces données. Le personnel a acquis une meilleure compréhension des objectifs et des mesures de protection. On peut s’attendre à ce que la collecte future de données soit fondée sur le concept de la protection des renseignements personnels dès la conception (security/privacy by-design) permettant ainsi de prévenir et signaler rapidement toute atteinte à des données.

Toutefois, si le RGPD a introduit une meilleure hygiène et gestion des données, il a également l’effet d’augmenter la complexité administrative... Pour s’assurer de la conformité des entreprises, de nombreux formulaires ont été créés permettant le suivi des processus mis en œuvre. Utilisés pour prouver la conformité de la gestion et du traitement des données, ces formulaires ont donné lieu à d'innombrables interactions et formalités administratives entre toutes les parties concernées. Jusqu'à présent, aucune normalisation n'a été mise en place afin de simplifier ce millefeuille. Cependant, les processus de certification en cours, fondés sur l'article 42 du RGPD, devront permettre aux entreprises de plus facilement démontrer leur conformité.

L'incertitude quant à savoir si les entreprises se conforment ou non - malgré ces efforts - subsistera donc, car le RGPD, qui en est à ses débuts, leur laisse une marge de manoeuvre. Les premières amendes infligées par la CNIL (en France) et l'OIC (au Royaume-Uni) à l'encontre de géants tels que Google et Facebook, démontrent que la confidentialité des données est désormais prise au sérieux, surtout si les entreprises ne respectent pas les règles de transparence. La CNIL l’a d’ailleurs clairement énoncé récemment : après le temps de la tolérance, la Commission va se montrer plus stricte envers les entreprises prises en faute.


« Les entreprises ne connaissent pas mieux leurs données qu’il y a un an » 


Par Julien Chamonal, Directeur des ventes France chez Varonis.

Les cybermenaces sont devenues omniprésentes – menace interne, vol de données, malwares/ransomwares, etc. – et pourtant nous constatons que les entreprises sont encore trop peu nombreuses à avoir mis en place des mesures adaptées pour protéger leurs données sensibles. Après un an d’application du RGPD en France, la CNIL vient d’annoncer que le temps de la tolérance touchait à sa fin et qu’elle allait se montrer beaucoup plus stricte vis-à-vis des entreprises. Il est pourtant encore difficile de se prononcer sur le taux de conformité des entreprises au règlement. Cela varie beaucoup selon les secteurs d’activité, selon les clients de l’entreprise, qu’ils soient consommateurs particuliers ou entreprises, et bien entendu cela dépend aussi de la sensibilité des informations personnelles recueillies et traitées.

Varonis, avec son rapport Data Risk, a essayé d’en savoir un peu plus, et malheureusement, les bons élèves sont extrêmement rares. Le niveau de prise de conscience des entreprises est alarmant. Les résultats sont clairs : les entreprises ne connaissent, ni ne protègent, pas mieux leurs données qu’il y a un an. Déjà alarmant en 2018, le rapport 2019 démontre que les entreprises sont encore plus nombreuses à exposer (laisser en accès libre en interne) leurs données sensibles (informations personnelles, données de santé, bancaires, identités, etc.). La majorité des entreprises ont avancé, voire ont terminé leurs chantiers RGPD sur le volet juridique mais les solutions techniques mises en place sont encore trop peu nombreuses. C’est pour cela que l’on voit encore régulièrement relatés dans la presse des cas de fuites de données.

Si les entreprises françaises et européennes en sont là, c’est aussi que les difficultés pour être en adéquation avec le RGPD sont multiples. La première est sûrement financière. Culturellement, les entreprises Françaises sont peu enclines à investir pour dans la conformité car elles ne le voient pas celle-ci comme un levier business. La deuxième difficulté est un déficit de compétence, peu de cursus permettent de former les nouveaux responsables des données. Enfin, en troisième position, les difficultés d’ordre techniques sont également présentes : sans technologie, comment savoir que tel ou tel fichier  contient une très forte concentration des données personnelles et est facilement accessible à n’importe qui ?

Pourtant ces entreprises réticentes ou peu volontaires s’exposent à des sanctions plus ou moins sévères. Ces sanctions peuvent venir de la CNIL ou d’une notification d’incident et les montants sont élevés : jusqu’à 4% de son chiffre d’affaire consolidé ou 20.000.000 d’euro. Au-delà de la sanction financière, un cas de fuite de données personnelles ou de détournement de la finalité d’un traitement peut avoir un impact important sur l'image de l’entreprise comme sur la confiance  que lui porte ses clients.

C’est le moment ou jamais de répondre aux prérequis du RGPD. De plus, les questions de protection de données évoluent aussi rapidement que le volume de celles-ci et les technologies y étant liées, autant dire : à toute vitesse. Il est certain que le règlement évoluera pour prendre en compte les tendances, les nouveaux usages et les nouvelles menaces. Et si certaines entreprises continuent aussi lentement leur mise en conformité, elles risquent de se retrouver dans des situations fortement compliquées, tant du point de vu financier que technique. Il est temps de s’attaquer aux risques et au développement de solutions techniques d’envergure.

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