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Rapport Forrester 2026 : robotisation raisonnée et… retour des boutons

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Un selfie avec la #Joconde : pas si superficiel !

La star du Louvre. Pixabay, FAL
Fabrice Raffin, Auteurs fondateurs The Conversation France


C’est un long cortège qui se déploie en un piétinement rituel, celui du public venu en masse au Musée du Louvre ce jeudi 14 novembre 2019 pour admirer les œuvres de Leonardo Da Vinci. Les visiteurs doivent patienter bien plus d’une demi-heure avant d’accéder, non pas aux salles d’exposition, mais à un labyrinthe de poteaux à sangles installés là pour guider la foule, la ramasser sur elle-même, la contenir. Le serpentin du public est ici retenu par un ouvreur qui gère le flux continu. Enfin, il nous laisse accéder au Saint des Saints, en fonction du nombre de sortants. Et la procession de reprendre sur le parquet usé et sonore des salles bondées, dans les crissements de pas. C’est à la queue leu leu que le public se presse devant les œuvres. Je compte : un, deux, trois, quatre secondes et au suivant.
En 2018, 10 millions de visiteurs se sont rendus au Louvre, 6 millions à la National Gallery de Londres et 4 millions à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Le tourisme de masse alimente une culture de masse et réciproquement, dans la mesure où le flot de touristes s’appuie bien souvent sur des expositions temporaires mises en scènes sous forme événementielle. « Produit d’appel » pour les institutions culturelles, ces expositions sont également un enjeu pour des villes ou des collectivités dans une concurrence féroce entre elles, selon une dynamique communicationnelle propre au musée du XXIe siècle comme le pointait Daniel Jacobi il y a déjà 20 ans.

Le musée est-il une expérience esthétique ?

Si, à la suite de nos précédents articles, nous définissons la culture par l’expérience esthétique qu’elle procure (et non par les œuvres auxquelles le public accède), à bien observer ces expositions de masse, les conditions et l’attitude du public devant les œuvres, on pourra se demander ce qui leur reste de culturel. À lire les statistiques, en 2018, 98 % des visiteurs sont satisfaits d’être venus au Louvre !
Cependant, quand on est dans les salles d’expositions on éprouve des doutes. Comment parler d’expérience esthétique lorsque les études très nombreuses chronomètrent le temps passé devant les œuvres oscille entre 4 et 20 secondes maximum ?.
Encore faut-il ajouter à cette rapidité la pression imposée à celui qui regarde dans la densité extrême du piétinement le long des cimaises. Comment pourrait se jouer en si peu de temps ce que J.C. Passeron nommait le pacte de réception iconique, lorsque celui qu’il appelait le visionneur ne fait que zapper dans la mobilité, d’un tableau à l’autre, d’une sculpture à une installation ? À bien observer les visiteurs, rares sont ceux qui s’arrêtent devant les cartels, encore moins nombreux ceux qui les lisent entièrement, quant aux visites guidées elles sont le fait d’une minorité. « C’est vrai, me dit un visiteur, qu’en dehors des tableaux connus, dans les salles, on ne sait pas trop quoi regarder, ils se ressemblent tous ».

La foule se presse à la boutique de souvenirs de l’exposition Da Vinci. Fabrice Raffin, Author provided

Dos au tableau

Peut-on encore parler d’expérience esthétique pour ces visiteurs à l’attitude apparemment désinvolte, téléphone en main, qui regardent à peine le tableau, qui souvent se tournent immédiatement pour se prendre en photo en selfie ? Peut-on apprécier quoi que ce soit en tournant le dos aux œuvres ? Que signifie dès lors pour cette partie des publics l’enjeu de leur présence au musée ? Pour échapper au jugement conventionnel des amateurs d’art, peut-être pourra-t-on suivre la réflexion d’André Gunthert, se référant à Michel de Certeau, pour qui cette attitude est le contraire de ce qu’elle paraît.
Pour lui, par le selfie, une part du public se réapproprie son expérience du musée, s’inclut dans le cadre. Plus qu’une marque de défiance, le selfie serait une marque de respect envers les œuvres. L’auteur devient alors, via les réseaux sociaux, diffuseur d’une culture dans laquelle il s’inclut, à même d’entretenir le mythe d’un artiste ou d’une œuvre. En une même référence à Michel de Certeau, on pourra analyser que les contrevenants aux règles de la bonne réception des œuvres défient l’ordre institué du monde de l’art. Une fois de plus, ceux que l’on considère comme dominés ne sont-ils pas là engagés dans des tactiques de résistance à l’imposition d’une bonne manière d’apprécier les œuvres ? L’enjeu symbolique est fort tant la culture est l’outil par excellence de domination sociale. Comme le notait déjà Olivier Donnat dans les années 1990 :
« les usages les plus fréquents du musée sont éloignés du modèle du rapport cultivé aux œuvres. »

Avant tout, une expérience urbaine

Pour une partie du public, la venue au musée n’a pas grand-chose à voir avec les œuvres elles-mêmes. Une part majeure de l’expérience du musée réside dans ce que ces expositions et leurs lieux représentent d’événementiel et de symbolique.
Ce qui s’exprime alors, c’est la dimension collective d’une expérience esthétique, mais en dehors du musée et de l’exposition. Elle se joue dans le rapport à l’architecture et à une mise en scène d’urbanité, dans le sens où vivre la ville nous disait Antoine Picon, c’est accéder à son caractère événementiel comme dimension urbaine caractéristique. Aller au Louvre, c’est se confronter à une architecture, à une scénographie urbaine spectaculaires. Dans l’accès au musée se construit un rapport au cadre bâti de la ville et plus largement à son histoire. Accéder aux grands musées est pour le touriste vivre l’essence représentée des villes, d’un pays, de Paris. Le musée est intégré à un parcours urbain, et l’exposition vient renforcer l’expérience de la ville, point d’orgue d’un séjour parfois.

Pour certains touristes, faire l’expérience de la ville est un événement en soi. Pixabay

Le Louvre, la Joconde, Da Vinci créent l’événement continu en eux-mêmes, par leur renommée autant que par la dimension artistique – d’autant plus lorsqu’un scandale comme le différend avec l’Italie au sujet du prêt des œuvres décuple la médiatisation d’une exposition. Se promener dans l’événement urbain que représente l’exposition revient pour beaucoup de touristes à vivre pleinement la ville quitte a éclipser l’enjeu artistique, qui apparaît alors bien secondaire.
« Pourquoi voir la Joconde ? Elle est normale, c’est juste un portrait. Je crois que c’est parce que tout le monde en parle », me dit cette autre jeune visiteuse, « je trouve qu’elle est banale, on s’habitue, pas magnifique quoi. »
L’expérience esthétique se joue pour une partie des publics hors musée, dans la ville donc, sur les réseaux sociaux aussi, par selfie interposé. Une autre partie du public accorde une attention diffuse aux œuvres. Ce n’est pas le moindre des paradoxes : parmi les plus virulents critiques des grandes expositions, on retrouve les apôtres de la démocratisation artistique qui revendiquent la mission de rendre accessible au plus grand nombre les œuvres majeures de l’humanité selon les termes d’André Malraux. Néanmoins, ces mêmes porteurs de la démocratisation sont parfois prompts à déplorer le caractère dégradé de la relation à l’œuvre dans le cadre des expositions-événements. Ainsi, note Daniel Jacobi, « les amateurs d’art et de patrimoine les plus experts n’ont pas de mots assez durs et sévères pour se moquer de ces visites dites « à l’américaine », superficielles et peu à même d’apprécier ou de goûter ce qui est visité ou exposé ».
Le débat n’est pas nouveau et il fut porté en son temps par M. Horkheimer, W. Benjamin et T. Adorno, ce dernier dénonçant « les œuvres perverties » dès lors qu’elles sont exposées à la masse « des yeux des oreilles aliénées ».
L’idéal démocratique achoppe ici sur une fonction majeure de toute pratique culturelle, la distinction sociale, qui rend la démocratisation culturelle si ardue malgré les efforts de médiation culturelle, les amateurs d’art étant certainement les premiers à ne pas vouloir être confondus avec les masses. D’autant plus que les « masses » en question, loin d’être homogènes, restent rétives à toute imposition de ce qui est désigné par les professionnels de la culture comme digne d’intérêt. Les publics sont ainsi toujours enclins, soit, pour le plus grand nombre, à éviter les formes culturelles légitimes, soit à les détourner, serait-ce avec selfie, soit tout simplement à inventer leurs propres pratiques.The Conversation

Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs fondateurs The Conversation France
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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