Par Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...
La presse régionale souffre des conséquences de la crise du Covid-19. Fragilisée depuis de nombreuses années à cause de l’affaiblissement de son modèle d’affaires traditionnel, la réduction de la distribution avec le dépôt de bilan de Presstalis et les baisses des revenus publicitaires risquent désormais de lui être fatal.
Ainsi, le quotidien Paris-Normandie a été placé en liquidation judiciaire le 21 avril suite à l’accumulation d’une dette de 7 millions d’euros. Cet exemple est loin d’être un cas isolé et de nombreux autres titres rencontrent des difficultés financières.
La digitalisation a ses limites
La situation n’est pas nouvelle et le diagnostic est connu : baisse du lectorat papier, baisse des points de distribution, baisse des recettes publicitaires, augmentation du prix du journal plus rapide que l’inflation.Le modèle d’affaires principalement basé sur les revenus de la vente de publicité et la vente d’abonnements est remis en cause par le développement de l’accès gratuit à l’information et la segmentation des pratiques sur Internet.
La presse régionale a essayé de dupliquer son modèle d’affaires en le transférant sur Internet : journal en ligne en partie gratuit, abonnement à la version numérique, publicité en ligne, achats de contenus ciblés. Or, la publicité numérique n’est pas assez rémunératrice et l’accès à l’information en ligne reste difficilement monétisable à cause de la faible propension à payer des internautes.
Il faut donc capter un grand nombre d’internautes et avoir un taux de transformation de l’offre gratuite à l’offre payante assez élevé pour amortir une offre gratuite. Ainsi, l’activité économique liée au monde numérique prend des formes complexes avec des modèles d’affaires propres et envisager simplement la duplication d’un modèle de consommation physique vers sa pratique numérique ne suffit pas. Certains acteurs emblématiques de l’économie du numérique l’ont bien compris (comme Amazon, Airbnb, eBay, Google, Facebook) et l’équilibre économique est souvent atteint en développant plusieurs activités complémentaires créatrices de synergies.
Pour mieux comprendre cette logique, l’examen des portefeuilles de modèles d’affaires des géants Apple, Google et Microsoft s’avère très utile et surtout riche d’enseignements pour envisager la survie de la presse régionale.
Créer des synergies par la diversification
À partir de données historiques, nous avons analysé le portefeuille de modèles d’affaires de ces trois sociétés et repéré les principes de construction de leur rentabilité.Les trois géants du numérique ont développé une architecture de portefeuille de modèles d’affaires similaires : on trouve au centre un modèle d’affaires multiface de ventes de contenus, de services numériques et de publicités numériques et, en périphérie, des modèles d’affaires de ventes de terminaux numériques (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés…). Le tout est connecté par un modèle d’affaires de mise à disposition gratuite ou de vente de systèmes d’exploitation.
Prenons l’exemple d’Apple. L’entreprise développe un portefeuille complexe dans lequel ses plates-formes iTunes store et App store sont accessibles depuis des iPhone ou iPad qui tournent sur son système d’exploitation iOS. En connectant ses modèles d’affaires de vente de contenus digitaux aux modèles d’affaires de vente de terminaux numériques haut de gamme, Apple capture et s’approprie des revenus élevés.
Dans ce type de portefeuille, de multiples effets positifs résultent des connexions entre les modèles d’affaires. Des effets de réseaux, des effets d’adoption, des économies d’envergure et des économies d’échelles. Tout cela assure la captation d’un nombre important d’utilisateurs et une grande variété de revenus. À terme, ces plates-formes deviennent incontournables et s’inscrivent de manière dominante dans la société.
Transformer la presse régionale en plate-forme
Le métier de la presse régionale est basé sur l’information locale, rentabilisée notamment par les revenus publicitaires. Toutefois, pour les sociétés de ce secteur, la seule duplication de leur modèle d’affaire physique au numérique ne suffit pas à assurer leur rentabilité.Pour survivre dans le monde digital, les sociétés de presse régionales doivent envisager la construction de plates-formes à partir desquelles il va être possible de diversifier leur offre autour de leur métier historique, réalisant ainsi des économies d’envergure.
Adopter une logique de plate-forme permettrait à la presse locale de diffuser non seulement de l’information mais aussi une variété de contenus complémentaires (petites annonces, contenus photos et vidéos sur de multiples supports, magazine culturel, guides locaux, blogs, etc.) qui enrichiraient l’offre globale en fournissant plus de valeur que l’information seule.
Plus la diffusion d’informations et de contenus de qualité ayant un caractère réellement locale serait élevée, plus les internautes seraient nombreux, attirant ainsi les annonceurs.

L’agrégation et la mise en relation d’une variété de producteurs et de consommateurs de contenus seraient de puissants leviers pour la création d’effets de réseaux positifs.
Par exemple, les annonceurs cherchant à diffuser une publicité la plus ciblée possible pourraient directement poster leur annonce en ligne en accédant à une base d’internautes qualifiées. Les internautes recherchant de l’information de valeur pourraient y accéder par l’intermédiaire de journalistes, reporters mais aussi via des blogueurs cherchant une diffusion plus large qu’un blog isolé et souvent peu visible.
À partir de la plate-forme, la déclinaison d’une variété de contenus locaux diffusés de multiples manières pourrait à terme créer un effet de masse et favoriser les effets d’adoption. En effet, en s’engageant dans une plate-forme proposant un bouquet de services liés à l’information locale, les internautes multiplieraient leur source de satisfaction et seraient moins tentés de s’engager sur d’autres plates-formes. Cet effet d’adoption serait également renforcé en cas de développement d’une application mobile de la plate-forme, permettant ainsi de favoriser un modèle d’information poussée plutôt que tirée.
Une concurrence qui reste biaisée
Toutefois, la mise en place de telles plates-formes demanderait une concentration des médias au niveau régional. La société de presse doit mettre en place ou racheter d’autres médias, ce qui exige des moyens conséquents.De plus, les géants du numérique essayent depuis de nombreuses années de préempter l’information locale. C’est donc un défi à la fois technologique, économique et sociétal pour bousculer un système qui avantage les grands groupes au détriment des acteurs locaux.
Ces nouvelles approches doivent jouer sur les effets d’envergure, les effets de réseaux et les effets d’adoption qui sont désormais au centre de l’économie du numérique et s’imposent comme des clés du succès économique et de la survie stratégique.
Cet article s’est appuyé sur le modèle développé dans le papier publié dans Management International : « La gestion stratégique d’un portefeuille de business models connectés : une application aux secteurs du numérique », issue des travaux de recherche réalisés dans le projet ANR Better Business Model.

Romain Gandia, Maître de conférence, Organizational Studies, Business Administration à l'Université Savoie Mont Blanc, Université Grenoble Alpes et Guy Parmentier, Maître de conférences HDR à Grenoble IAE, Université Grenoble Alpes
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.