Les complotistes ont trouvé dans les réseaux sociaux le meilleur des vecteurs pour leurs propos. Si les « faits alternatifs » chers à Donald Trump, les théories complotistes ou les fake news se forgent dans des discussions ou des groupes Facebook privés, ils se déploient dans l’espace numérique public avec d’autant plus de facilité que les plateformes de réseaux sociaux, toutes américaines, ont une vision de la liberté d’expression davantage conforme au 1er amendement de la constitution américaine qu’aux lois en vigueur dans les pays où elles ont une activité.
« Si les réseaux sociaux ne sont pas la principale source d’information des Français, qui demeure la télévision (53 % des Français passent moins d’une heure par mois sur Internet à s’informer), leur puissance en termes d’impact est indéniable. Une théorie peut gagner sur les réseaux sociaux une audience 5 à 10 fois supérieure », explique Stéphanie Laurent, directrice associée de Dentsu Consulting, dans le cadre d’un sondage Odoxa réalisé en partenariat avec Leyton, Dentsu-Consulting, Stratégies, BFM-Business, 01 net et l’Usine Nouvelle portant sur la thématique « Démocratie et réseaux sociaux ».
L’État doit faire plus
Les Français sont bien conscients de cette situation.83 % d’entre eux considèrent, en effet, que les fausses informations ou fake news et le complotisme sont très répandus sur les réseaux sociaux. « Une convergence de l’opinion qui indique à quel point le phénomène est jugé problématique, au sortir notamment de plusieurs mois de confrontations en ligne d’arguments multiples autour de la 5G, du vaccin contre le Covid 19 ou du pass sanitaire », estime Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa. Alors que le gouvernement a installé le 4 octobre la mission Bronner sur la diffusion des théories complotistes et la propagation de la haine sur internet (dont le rapport est attendu fin 2021), les Français font part d’une certaine déception concernant l’implication des acteurs pouvant lutter contre les fake news et le complotisme. 69 % jugent ainsi que le gouvernement n’est pas suffisamment engagé en la matière et 73 % attendent également un engagement plus important des plateformes de réseaux sociaux.
Sur l’origine des propos complotistes, 78 % des Français estiment que les fake news peuvent venir de partout et non uniquement de mouvement extrémiste ou de manipulations étrangères.
« Les attentes d’engagement renforcé de l’Etat et des plateformes de réseaux sociaux formulés par les Français portent ainsi probablement moins sur le profil des émetteurs diffusant des fake news que sur une lutte plus large contre la présence d’informations erronées, trompeuses ou orientées sur les réseaux sociaux, de nature à biaiser l’opinion citoyenne », analyse Erwan Lestrohan.
(Article publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 24 octobre 2021)