Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Sur Twitter, une nouvelle forme de mobilisation politique ?

twitter
Les salons audio ou Twitter Spaces, une nouvelle fonctionnalité. Shutterstock
Par Virginie Martin, Kedge Business School et Gregorio Fuschillo, Kedge Business School

Les « Twitter Spaces », apparus en décembre 2020, pourraient être définis comme des salons publics auxquels tous ceux qui disposent d’un compte peuvent participer en déposant une note vocale.

Il suffit pour cela de se rendre sur le « Space » de son choix – il en existe sur une multitude de sujets –, écouter et, si on le souhaite, demander à intervenir auprès des hôtes et co-hôtes. Twitter a ouvert cette fonctionnalité audio depuis le 17 décembre pour mieux rivaliser avec d’autres plates-formes comme Facebook ou Clubhouse.

Ils s’inscrivent dans la grande nébuleuse de la participation politique à l’ère de l’agora digitale, comme les blogs et les plates-formes de participation politiques actives en France, ainsi que dans d’autres pays européens. En période de campagne électorale, ces espaces deviennent des lieux d’échange mobilisant de quelques dizaines de participants à des milliers, ce à toute heure du jour et de la nuit.

Les lieux de participation politique trouvent leur origine dans l’agora grecque. Ces « Twitter Spaces » sont des lieux de mobilisation politique dont les règles de fonctionnement, de participation et d’interaction échappent en partie à l’activité politique traditionnelle. Plus précisément, ces hétérotopies politiques émergent suivant les axes pouvoir vertical vs pouvoir horizontal ; exclusivité sociale vs inclusivité sociale.

Une première analyse ethnographique du phénomène, menée en observation participante et non-participante, dévoile comment ces spaces réarticulent les lieux traditionnels de la participation politique. Nous avons écouté des dizaines de notes vocales, et créé 3 « Twitter Spaces » spécifiques en janvier 2022 afin de recueillir les paroles des participants et saisir leurs motivations ; les citations de l’article sont toutes issues de ces échanges.

Un lieu de critique

Les « Twitter Spaces » centrés sur des sujets politiques sont tout d’abord de formidables lieux d’expression ; ils sont une respiration démocratique.

Ils offrent à qui veut l’écoute, la parole, la possibilité d’élargir son territoire social et son réseau, de convaincre.

Ici, pas de casting, l’espace est libre, ces endroits jouent comme une alternative aux médias classiques.

Comme le disent certains des participants de l’un des « Spaces » que nous avons créé :

« La parole est très contrôlée dans les médias mainstream, les milliardaires contrôlent tout, ici on est libres ».

« On peut tout se dire, moi je n’ai plus la télé depuis des années, ici on débat pour de bon. »

Le « Twitter Space » devient le lieu d’une expression hors les murs des institutions traditionnelles, d’une oxygénation citoyenne ; la critique du système politico-médiatique qui n’est pas sans questionner sur l’état de la démocratie y est exprimée sans cesse.

Dans la lignée des autres médias sociaux, c’est une offre de citoyenneté de plus une offre encore plus puissante car facile d’accès.

Un lieu d’inclusivité

Ces espaces permettent à tous, des anonymes aux plus connus – politiques, chercheurs, intellectuels, journalistes – d’échanger, de se connaître, ou simplement d’écouter.

En d’autres termes, comme le dirait le philosophe Axel Honneth (1996), les « Twitter Spaces » facilitent la reconnaissance réciproque des uns vis-à-vis des autres, et permettent certainement de rétablir un sentiment d’équité et de justice sociale.

Lors de ce travail d’observation, il a souvent été question d’inclusion, de la rencontre avec « l’autre ». Cet autre qui peut être un « proche » – même famille politique – ou un contradicteur. Cet espace reste le lieu des altérités.

C’est d’ailleurs un lieu dans lequel les personnes souvent invisibilisées prennent la parole :

« Sur les Spaces, il peut y avoir des racisés, beaucoup de femmes, les gens concernés sont enfin présents ; on parle enfin racisme avec des personnes touchées par le sujet ».

« Il y a eu un Space sur le handicap et la politique, certains responsables politiques sont venus écouter, une a même pris la parole ».

C’est un peu comme si, dans ces lieux, les hiérarchies sociales se reformaient peu à peu sur de nouvelles bases d’égalité entre tous les participants.

Un lieu d’autogestion et d’intelligence collective

Le caractère autogéré via un médium aussi puissant que Twitter rend cet espace d’expression assez inclusif pour les participants.

« On dit souvent que dès que le nombre est trop important on ne peut plus gérer, or ces spaces prouvent le contraire ; ce soir on est près de 400 et tout le monde s’écoute et prend la parole sans se superposer aux autres aprticipants. »

« Il y a une légère modération via l’hôte ou l’hôtesse, mais ça reste en général très léger. »

C’est ce que nous disent une sympathisante LFI et une militante d’EELV.

L’horizontalité est aussi permise par le temps long ; les « Twitter Spaces » restent actifs 3, 6, voire 12 heures ou plus, ce qui permet à chacun de s’exprimer. Les discussions sont ouvertes et peuvent être écoutées en replay si un enregistrement a été prévu. Chacun est libre de partir, de rester, de revenir au regard de l’amplitude horaire.

Ces lieux offrent la possibilité de repérer des personnes « inspirantes, ayant une culture politique impressionnante avec des discours politiques très construits. Il y a tellement de pépites. » dit un participant.

Le Twitter Space peut se muer en outil de communication. Twitter

L’horizontalité y est sociale mais aussi géographique : Londres parle à La Rochelle, qui parle à Québec. Le monde est plat ici, et il autorise la création de communautés très liquides, flexibles, comme le montre Bruno Latour. Le seul trait d’union qui unit tous est d’intérêt pour la chose publique et le débat politique.

Un lieu de mobilisation de proximité

La plate-forme digitale joue aussi dans l’acculturation politiques des participants, c’est le lieu de la diffusion et du partage de connaissance. Le tout se faisant dans une grande familiarité, une forme d’intimité.

Se crée un sentiment de proximité qui vient participer à la socialisation de chacun :

« J’aime les spaces mais j’aime aussi raconter ma vie, on parle politique en pyjama ! »

« Avec la pandémie on ne se voit plus, ça nous permet de continuer à échanger » expliquent ces deux personnes de concert.

Des processus de socialisation politique qui peuvent s’opérer en milieu plutôt « like minded » soit en allant dans des sphères politiques « ennemies » :

« C’est aussi un moyen d’éprouver la consistance de mon propre argumentaire et de mes propres convictions politiques, cela m’aide. » confie une militante RN.

« moi je vais dans des spaces adverses pour apprendre à contrer leur arguments » nous explique ce proche de Zemmour.

Des sympathisants d’Eric Zemmour se retroufent dans des « Spaces ».

Le politique est aussi le lieu de l’apprentissage et celui où l’on fourbit ses armes pour la vie en société.

Un lieu avec ses limites et sa part d’ombre

Nous remarquons déjà que les space reflètent souvent ce que la littérature a déjà constaté sur l’intérêt que l’on porte à la politique : les femmes sont moins nombreuses – sauf sur les space EELV/Ecologie – les gens sont souvent plutôt diplômés, ce qui reflète aussi la fréquentation de Twitter en général.

Ce militantisme 2.0 se développe, mais il est de plus en plus saisi par les officiels : le 12 janvier 2022, le ministère de l’Intérieur créait un « Space » autour des métiers liés à la sécurité ; au même moment, une porte-parole de LREM proposait un « Space » sur la jeunesse.

Les leaders d’opinion, les politiques, quelques éditorialistes, quelques intellectuels peuvent y voir une nouvelle manière d’assurer leur présence. Nous serions alors là face à un retour de verticalité.

Jen)-Luc Mélenchon, hôte d’un « Twitter Space ».

Le journal Libération a créé un « Twitter Space » pour soutenir la candidature de Christine Taubira ; les politiques y font de plus en plus campagne : Le 13 janvier Jean-Luc Mélenchon ou le 23 janvier Damien Rieu avec Eric Zemmour.

Si les gens « autorisés » s’emparent de cet outil, celui-ci risque de perdre beaucoup de son originalité et de son caractère alternatif, mais il peu gagner en attractivité et s’inviter à part entière dans la campagne.

Enfin, certains participants peuvent subir du cyberharcèlement : réception de message privés insultants, voire menaçants. Ce cyberharcèlement pourrait conduire Twitter a réguler ou tout simplement les hôtes à faire la police dans leur space.

Tous les sujets sont abordés. Twitter

Nous voyons ici combien ces lieux perdraient de leur intérêt si une sorte de super régulation venait à se mettre en place.

Au total, les « Twitter Spaces » participent d’une dynamique politique globale, ils ouvrent d’autres espaces démocratiques ; ils peuvent être aussi le lieu de mise en valeur d’enjeux particuliers, le lieu de découvertes de nouveaux talents, le creuset de réseaux militants, une possibilité pour les responsables politiques d’être au contact et d’échanger.The Conversation

Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business School et Gregorio Fuschillo, Professeur assistant de marketing, Kedge Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)