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Covid, réseaux sociaux : comment la culture complotiste a fait son nid en France

  Par  Olivier Guyottot , INSEEC Grande École Selon un certain nombre d’enquêtes, l’épidémie mondiale de Covid-19, associée à l’usage des réseaux sociaux, aurait joué un rôle clé dans la diffusion de la culture complotiste. Désormais, cette dernière n’est plus strictement minoritaire. En 2023, 51 % des électeurs de Marine Le Pen et 50 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon déclaraient croire aux théories du complot. Aux États-Unis, 55 % des citoyens adhèrent à ces théories. Le Covid-19 a donné lieu à une multiplication des thèses complotistes en France et partout dans le monde. On peut citer par exemple celle affirmant que le virus a été volontairement élaboré en laboratoire ou celle imputant le développement de la pandémie au déploiement de la 5G . Les thèses complotistes (ou conspirationnistes) ne sont pas nouvelles et de nombreux chercheurs ont mis en lumière, en particulier depuis les années 2000, les modes de structuration , l...

Sur Twitter, une nouvelle forme de mobilisation politique ?

twitter
Les salons audio ou Twitter Spaces, une nouvelle fonctionnalité. Shutterstock
Par Virginie Martin, Kedge Business School et Gregorio Fuschillo, Kedge Business School

Les « Twitter Spaces », apparus en décembre 2020, pourraient être définis comme des salons publics auxquels tous ceux qui disposent d’un compte peuvent participer en déposant une note vocale.

Il suffit pour cela de se rendre sur le « Space » de son choix – il en existe sur une multitude de sujets –, écouter et, si on le souhaite, demander à intervenir auprès des hôtes et co-hôtes. Twitter a ouvert cette fonctionnalité audio depuis le 17 décembre pour mieux rivaliser avec d’autres plates-formes comme Facebook ou Clubhouse.

Ils s’inscrivent dans la grande nébuleuse de la participation politique à l’ère de l’agora digitale, comme les blogs et les plates-formes de participation politiques actives en France, ainsi que dans d’autres pays européens. En période de campagne électorale, ces espaces deviennent des lieux d’échange mobilisant de quelques dizaines de participants à des milliers, ce à toute heure du jour et de la nuit.

Les lieux de participation politique trouvent leur origine dans l’agora grecque. Ces « Twitter Spaces » sont des lieux de mobilisation politique dont les règles de fonctionnement, de participation et d’interaction échappent en partie à l’activité politique traditionnelle. Plus précisément, ces hétérotopies politiques émergent suivant les axes pouvoir vertical vs pouvoir horizontal ; exclusivité sociale vs inclusivité sociale.

Une première analyse ethnographique du phénomène, menée en observation participante et non-participante, dévoile comment ces spaces réarticulent les lieux traditionnels de la participation politique. Nous avons écouté des dizaines de notes vocales, et créé 3 « Twitter Spaces » spécifiques en janvier 2022 afin de recueillir les paroles des participants et saisir leurs motivations ; les citations de l’article sont toutes issues de ces échanges.

Un lieu de critique

Les « Twitter Spaces » centrés sur des sujets politiques sont tout d’abord de formidables lieux d’expression ; ils sont une respiration démocratique.

Ils offrent à qui veut l’écoute, la parole, la possibilité d’élargir son territoire social et son réseau, de convaincre.

Ici, pas de casting, l’espace est libre, ces endroits jouent comme une alternative aux médias classiques.

Comme le disent certains des participants de l’un des « Spaces » que nous avons créé :

« La parole est très contrôlée dans les médias mainstream, les milliardaires contrôlent tout, ici on est libres ».

« On peut tout se dire, moi je n’ai plus la télé depuis des années, ici on débat pour de bon. »

Le « Twitter Space » devient le lieu d’une expression hors les murs des institutions traditionnelles, d’une oxygénation citoyenne ; la critique du système politico-médiatique qui n’est pas sans questionner sur l’état de la démocratie y est exprimée sans cesse.

Dans la lignée des autres médias sociaux, c’est une offre de citoyenneté de plus une offre encore plus puissante car facile d’accès.

Un lieu d’inclusivité

Ces espaces permettent à tous, des anonymes aux plus connus – politiques, chercheurs, intellectuels, journalistes – d’échanger, de se connaître, ou simplement d’écouter.

En d’autres termes, comme le dirait le philosophe Axel Honneth (1996), les « Twitter Spaces » facilitent la reconnaissance réciproque des uns vis-à-vis des autres, et permettent certainement de rétablir un sentiment d’équité et de justice sociale.

Lors de ce travail d’observation, il a souvent été question d’inclusion, de la rencontre avec « l’autre ». Cet autre qui peut être un « proche » – même famille politique – ou un contradicteur. Cet espace reste le lieu des altérités.

C’est d’ailleurs un lieu dans lequel les personnes souvent invisibilisées prennent la parole :

« Sur les Spaces, il peut y avoir des racisés, beaucoup de femmes, les gens concernés sont enfin présents ; on parle enfin racisme avec des personnes touchées par le sujet ».

« Il y a eu un Space sur le handicap et la politique, certains responsables politiques sont venus écouter, une a même pris la parole ».

C’est un peu comme si, dans ces lieux, les hiérarchies sociales se reformaient peu à peu sur de nouvelles bases d’égalité entre tous les participants.

Un lieu d’autogestion et d’intelligence collective

Le caractère autogéré via un médium aussi puissant que Twitter rend cet espace d’expression assez inclusif pour les participants.

« On dit souvent que dès que le nombre est trop important on ne peut plus gérer, or ces spaces prouvent le contraire ; ce soir on est près de 400 et tout le monde s’écoute et prend la parole sans se superposer aux autres aprticipants. »

« Il y a une légère modération via l’hôte ou l’hôtesse, mais ça reste en général très léger. »

C’est ce que nous disent une sympathisante LFI et une militante d’EELV.

L’horizontalité est aussi permise par le temps long ; les « Twitter Spaces » restent actifs 3, 6, voire 12 heures ou plus, ce qui permet à chacun de s’exprimer. Les discussions sont ouvertes et peuvent être écoutées en replay si un enregistrement a été prévu. Chacun est libre de partir, de rester, de revenir au regard de l’amplitude horaire.

Ces lieux offrent la possibilité de repérer des personnes « inspirantes, ayant une culture politique impressionnante avec des discours politiques très construits. Il y a tellement de pépites. » dit un participant.

Le Twitter Space peut se muer en outil de communication. Twitter

L’horizontalité y est sociale mais aussi géographique : Londres parle à La Rochelle, qui parle à Québec. Le monde est plat ici, et il autorise la création de communautés très liquides, flexibles, comme le montre Bruno Latour. Le seul trait d’union qui unit tous est d’intérêt pour la chose publique et le débat politique.

Un lieu de mobilisation de proximité

La plate-forme digitale joue aussi dans l’acculturation politiques des participants, c’est le lieu de la diffusion et du partage de connaissance. Le tout se faisant dans une grande familiarité, une forme d’intimité.

Se crée un sentiment de proximité qui vient participer à la socialisation de chacun :

« J’aime les spaces mais j’aime aussi raconter ma vie, on parle politique en pyjama ! »

« Avec la pandémie on ne se voit plus, ça nous permet de continuer à échanger » expliquent ces deux personnes de concert.

Des processus de socialisation politique qui peuvent s’opérer en milieu plutôt « like minded » soit en allant dans des sphères politiques « ennemies » :

« C’est aussi un moyen d’éprouver la consistance de mon propre argumentaire et de mes propres convictions politiques, cela m’aide. » confie une militante RN.

« moi je vais dans des spaces adverses pour apprendre à contrer leur arguments » nous explique ce proche de Zemmour.

Des sympathisants d’Eric Zemmour se retroufent dans des « Spaces ».

Le politique est aussi le lieu de l’apprentissage et celui où l’on fourbit ses armes pour la vie en société.

Un lieu avec ses limites et sa part d’ombre

Nous remarquons déjà que les space reflètent souvent ce que la littérature a déjà constaté sur l’intérêt que l’on porte à la politique : les femmes sont moins nombreuses – sauf sur les space EELV/Ecologie – les gens sont souvent plutôt diplômés, ce qui reflète aussi la fréquentation de Twitter en général.

Ce militantisme 2.0 se développe, mais il est de plus en plus saisi par les officiels : le 12 janvier 2022, le ministère de l’Intérieur créait un « Space » autour des métiers liés à la sécurité ; au même moment, une porte-parole de LREM proposait un « Space » sur la jeunesse.

Les leaders d’opinion, les politiques, quelques éditorialistes, quelques intellectuels peuvent y voir une nouvelle manière d’assurer leur présence. Nous serions alors là face à un retour de verticalité.

Jen)-Luc Mélenchon, hôte d’un « Twitter Space ».

Le journal Libération a créé un « Twitter Space » pour soutenir la candidature de Christine Taubira ; les politiques y font de plus en plus campagne : Le 13 janvier Jean-Luc Mélenchon ou le 23 janvier Damien Rieu avec Eric Zemmour.

Si les gens « autorisés » s’emparent de cet outil, celui-ci risque de perdre beaucoup de son originalité et de son caractère alternatif, mais il peu gagner en attractivité et s’inviter à part entière dans la campagne.

Enfin, certains participants peuvent subir du cyberharcèlement : réception de message privés insultants, voire menaçants. Ce cyberharcèlement pourrait conduire Twitter a réguler ou tout simplement les hôtes à faire la police dans leur space.

Tous les sujets sont abordés. Twitter

Nous voyons ici combien ces lieux perdraient de leur intérêt si une sorte de super régulation venait à se mettre en place.

Au total, les « Twitter Spaces » participent d’une dynamique politique globale, ils ouvrent d’autres espaces démocratiques ; ils peuvent être aussi le lieu de mise en valeur d’enjeux particuliers, le lieu de découvertes de nouveaux talents, le creuset de réseaux militants, une possibilité pour les responsables politiques d’être au contact et d’échanger.The Conversation

Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business School et Gregorio Fuschillo, Professeur assistant de marketing, Kedge Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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