Accéder au contenu principal

Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

Pourquoi prenons-nous parfois les robots pour des humains ?

 robot

Les robots « Spot » de Boston Dynamics et « Nao » de SoftBank Robotics sont très différents: l'un humanoïde, l'autre non. JJxFile et Xavier Caré, Wikimedia Commons, CC BY-SA
Par Nicolas Spatola, Sciences Po

Regardez ces deux images. Quel est le robot qui vous paraît le plus intelligent ? Le plus sociable ? Le plus chaleureux ? Le plus conscient de son environnement ?

Dans la majorité des cas, les gens choisissent le second robot. Pourtant, dans les deux cas, nous évaluons un ensemble de composants électroniques et mécaniques. Alors, pourquoi distinguons-nous ces deux robots ?

Parce que, dans certaines conditions, nous avons tendance à attribuer des caractéristiques humaines à des non-humains, comme la sociabilité ou l’intelligence. C’est l’anthropomorphisme.

Anthropomorphiser des robots peut produire des comportements surprenants. Par exemple, lors d’un essai d’un robot militaire américain conçu pour marcher sur des mines terrestres, le colonel en charge de l’exercice rapporta un certain malaise en observant le robot se traîner sur le champ de mines après une détonation, et qualifia l’exercice d’« inhumain ». Il n’est pas forcément nécessaire que le robot soit doté d’un « corps » physique pour que nous le considérions comme conscient. Ainsi, l’algorithme de chatbot de Google, LaMDA (reposant sur des modèles très développés), a montré que par le « seul » langage, un agent artificiel pouvait être considéré comme « sentient » par un employé.

L’anthropomorphisme nous est bien connu et est présent à travers le monde. Il nous pousse à nous attacher ou avoir envie d’interagir, avec les animaux par exemple – ce qui peut produire des effets structurants pour notre société puisque des chercheurs ont montré, par exemple, que nous étions beaucoup plus enclins à protéger des espèces animales qu’il nous est facile d’anthropomorphiser, comme les mammifères par exemple.

Dans le cadre des interactions humains-robots, l’anthropomorphisme permet aux humains d’amorcer des comportements sociaux envers leurs acolytes robots, de développer des sentiments pour eux ou de l’inquiétude quant à leur sort, ou de considérer leur présence comme similaire à celle d’un humain. Cependant, la raison de cet anthropomorphisme s’explique de manière très différente d’une culture à l’autre.

D’où vient l’anthropomorphisme ?

L’anthropomorphisme peut être catalysé par la présence de caractéristiques physiques humaines, comme la présence d’un visage sur un robot. Mais il peut également apparaître dans notre tendance, à percevoir des capacités cognitives ou émotionnelles à des non-humains (tendance différente pour chaque individu). Plusieurs variables contextuelles peuvent faciliter ou inhiber ce processus, mais, de manière générale, quand un humain doit expliquer le comportement d’un non-humain, il utilise des connaissances qu’il possède pour expliquer le comportement qu’il observe – surtout si ce comportement est inattendu. Pour cela il va se baser sur la base d’interprétation qu’il connait le mieux : le comportement humain.

[Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Dans le contexte des interactions humain-robot, l’essor des recherches sur l’anthropomorphisme est lié au développement de la robotique sociale, et de ses questionnements : « comment percevons-nous et considérons-nous les robots avec lesquels nous interagissons ? » Cette question, bien plus profonde qu’il n’y paraît, interroge notre rapport à ce que nous considérons comme vivant ou « sentient », c’est-à-dire capable d’expérimenter subjectivement le monde et de le ressentir.

De nombreuses études, modèles et outils de mesure allant du questionnaire à la mesure de l’activité cérébrale ont été proposés pour qualifier et quantifier l’anthropomorphisme envers les « robots sociaux » – ceux conçus pour interagir avec nous en reproduisant nos comportements d’interactions sociales. Et même si l’anthropomorphisme semble commun à l’ensemble des humains, nos études (source) montrent que, si une Française et une Japonaise peuvent être d’accord sur le caractère plus « humain » – chaleureux, social, intelligent par exemple – qu’un autre, cette appréciation relève de processus très différents dans les deux cultures.

L’anthropomorphisme est-il culturel ?

Un stéréotype culturel occidental est de considérer le Japon comme un pays de robots, un pays où ces agents artificiels sont intégrés, appréciés et considérés d’une manière qui laisse songeur l’occident. Il a été défendu que la relation entre le Japon et les robots serait une conséquence de la philosophie shinto qui imprègne la culture japonaise, où tout objet physique serait imprégné d’une essence spirituelle. On dit qu’il partage une « quiddité ». Cela signifie que vous, moi ou l’écran sur lequel vous lisez ce texte sont imprégnés de cette essence.

À l’inverse, en occident, il existe une distinction philosophique très largement partagée entre l’Humain et le reste du monde, même si elle est discutée. Dés lors, un robot, même s’il peut être anthropomorphisé partout dans le monde, le serait culturellement moins en occident qu’au Japon.

Une récente étude nous avons montré que cette explication simplifie à outrance un procédé ancré dans le champ de la psychologie interculturelle sociale et cognitive. En effet, des participants coréens/japonais et allemands/états-uniens attribuaient le même niveau de capacités cognitives, émotionnelles et intentionnelles à un robot, mais au travers de processus sociocognitifs sensiblement différents.

Pour les participants coréens et japonais, l’important est de constater le partage d’une caractéristique commune avec le robot à juger. La logique est la suivante : puisque nous partageons une essence, une « quiddité », alors nous partageons peut-être des capacités cognitives, émotionnelles ou intentionnelles. Le résultat est un anthropomorphisme du robot basé sur la constatation de ressemblances.

Les participants occidentaux se comparent en fait avec le robot. Plus le robot est considéré comme éloigné de l’observateur, moins il est considéré comme possédant des capacités cognitives, émotionnelles ou intentionnelles. Ici, on serait plus proche d’un « égomorphisme » basé sur la recherche de différences, c’est-à-dire l’attribution au robot des caractéristiques du prototype de ce qui définit un humain… ce prototype étant l’observateur lui-même.

Le prisme occidental, un trompe-l’œil dans nos interactions avec les technologies

Cette différence illustre en fait une problématique plus générale : aujourd’hui, les études de nos interactions avec les robots, et plus généralement les études en sciences cognitives et sociales, procèdent d’études scientifiques majoritairement produites en occident. Un prisme est posé par la science pour universaliser une représentation spécifique du monde, mais cette universalisation oublie l’importance de la culture sur la formation de nos processus sociocognitifs.

Ce que nous savons de la perception des robots et d’autres processus sociocognitifs est souvent présenté comme généralisable, alors que ces connaissances sont issues d’échantillons de participants extrêmement homogènes. Par exemple, en psychologie sociale et cognitive, mon domaine de recherche, la très grande majorité des études découlent d’observations d’une population blanche occidentale étudiante, dans une tranche d’âge réduite et partageant un corpus culturel extrêmement homogène. De ce simple fait, il apparaît évident que la généralisation se limite à une faible fraction de la population mondiale partageant ces caractéristiques.

Ce que nous apprend l’anthropomorphisme culturel, c’est que notre façon de percevoir l’autre, qu’il soit humain ou non, n’est pas nécessairement celle de notre voisin et que cela implique de considérer ces visions alternatives au même titre que les nôtres. Il est bon de garder à l’esprit que notre rapport au monde est par définition subjectif, partial et partiel. En sous-évaluant ces différences, nous ne faisons rien d’autre qu’oublier une partie de l’humanité.The Conversation

Nicolas Spatola, Chercheur à l'Istituto Italiano di Tecnologia de Gênes (Italie) et Chargé de cours, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...