Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Derrière le réseau social TikTok, le leader chinois de l’intelligence ByteDance

tiktok

TikTok n’est décidément pas un réseau social comme les autres. Non pas seulement parce qu’il rencontre un fulgurant succès partout dans le monde, mais surtout parce que contrairement aux autres réseaux sociaux bien connus (Facebook, Twitter, Snapchat…), il n’est pas américain mais chinois. C’est la première fois que la Chine, qui dispose pour son marché intérieur de nombreux réseaux sociaux (comme WeChat), parvient à exporter une de ses créations. Et si en moins de six ans, TikTok s’est hissé au sommet, c’est parce que son propriétaire a les moyens de ses ambitions. Ici pas de geeks dans un garage mais ByteDance, une entreprise créée en 2012 par Zhang Yiming à Pékin et qui est devenue le leader chinois des technologies d’intelligence artificielle.

En 2016, ByteDance, qui a fait ses armes avec Toutiao, un système de recommandation d’articles et de contenus personnalisés, lance Douyin, une plateforme de partage de vidéos courtes dont la version internationale est introduite l’année suivante : TikTok. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ByteDance se donne les moyens de ses ambitions pour conquérir le monde. En août 2018, la société fait une levée de fonds de près de 3 milliards de dollars, ce qui en fait la start-up la plus valorisée au monde, à 75 milliards, devant Uber.

À son chevet des investisseurs étrangers comme le géant japonais Softbank et son fonds de placement Vision Fund, mais aussi des Américains comme le fonds de capital-risque Sequoia Capital, ou encore KKR, General Atlantic ou Hillhouse Capital Group.

Croissance phénoménale

La croissance de ByteDance est phénoménale et la société – comme les géants de la Silicon valley – fait des acquisitions : en 2017, elle acquiert l’application News Republic, un agrégateur d’actualités, en 2018, la plateforme de vidéos concurrente Musical.ly. Devenue incontournable, elle noue des accords avec les fabricants de smartphone Samsung et Huawei.

Mais surtout, forte d’un effectif de quelque 60 000 personnes, elle continue à massivement investir dans son cœur de métier : l’intelligence artificielle, c’est-à-dire les algorithmes qui, en faisant des recommandations personnalisées très fines, sont le moteur des réseaux sociaux et particulièrement de TikTok, dont le fonctionnement est très addictif.

Surveillance et censure

Mais derrière la technique, l’organisation administrative inquiète par son opacité. Qui dirige vraiment ByteDance ? Que fait la société des données personnelles des utilisateurs du monde entier ? ByteDance, comme toute société numérique chinoise, est très surveillée par le pouvoir communiste qui a placé internet derrière un grand pare-feu, et qui a la censure facile… Douyin, le TikTok chinois, voit ainsi ses contenus soumis à l’implacable imprimatur du Parti communiste chinois (PCC).

Données personnelles et sécurité

À l’étranger, on soupçonne TikTok d’être un instrument d’influence voire de propagande au service du régime chinois. En 2020, TikTok, qui a dépassé le milliard d’utilisateurs, est interdit en Inde puis au Pakistan. Aux États-Unis, l’application devient alors la bête noire de Donald Trump qui l’accuse d’espionnage. L’ex-président signe un décret pour interdire TikTok, WeChat et huit autres applications chinoises, et déclenche une bataille judiciaire. En septembre 2020, les opérations américaines de TikTok sont ainsi reprises techniquement par Oracle. TikTok passe aussi un partenariat commercial avec Wallmart.


Joe Biden élu, il révoque les décrets et demande une enquête pour « identifier toutes les applications logicielles connectées qui peuvent présenter un risque inacceptable pour la sécurité nationale des États-Unis et le peuple américain ». Mais pour un responsable de la FCC, le régulateur des télécoms américain, le bannissement de TikTok paraît inéluctable.

Des fuites accablantes

En juin dernier, des fuites audio de plus de 80 réunions internes de TikTok, ont, en effet, montré que les employés de ByteDance basés en Chine ont accédé à plusieurs reprises à des données non publiques sur les utilisateurs américains de TikTok… « Tout se voit en Chine », a déclaré un membre du département Trust and Safety de TikTok lors d’une réunion en septembre 2021. Cette semaine, Christopher Wray, directeur du FBI, a estimé que TikTok représente un risque pour la sécurité nationale des Etats-Unis...

La question des données personnelles est ainsi le talon d’Achille de TikTok. Le Comité européen de la protection des données enquête lui aussi. En France, saisie d’une plainte de suppression de vidéo, la CNIL enquête sur le respect du règlement général de la protection des données (RGPD).

En dépit de ses difficultés, TikTok, qui a ouvert des bureaux partout dans le monde, tente de prouver sa bonne foi, créant ici un centre de modération à Los Angeles ou refusant les publicités politiques payantes. ByteDance promet même de donner accès au code source de l’application.

Reste à savoir si ces efforts seront jugés suffisants ou trop tardifs…

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)