Des signaux captés sur Terre peuvent-ils apporter la preuve de l’existence d’une vie extraterrestre ? Cette question qui passionne les Hommes depuis l’Antiquité est revenue sur le devant de la scène en ce mois de janvier avec une publication scientifique qui suscite la curiosité et l’engouement du grand public. 17 chercheurs viennent, en effet, de signer un article dans la revue Nature Astronomy le 30 janvier. Ils y expliquent comment ils ont repéré huit signaux « intéressants » dans le cadre d’une recherche d’intelligence extraterrestre.
Des recherches nées dans les années 60
Cette équipe de recherche est le fruit d’une collaboration entre l’université de Toronto et l’institut américain SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence, ou recherche d’intelligence extraterrestre). Le programme SETI a été conçu dans les années 60, notamment par les astronomes Carl Sagan et Frank Drake, et se concentre sur la détection dans la Voie Lactée, grâce à de puissants radiotélescopes, de signaux radios, signatures potentielles de technologies avancées et par conséquent d’une intelligence extraterrestre.
Drake lança une première et rudimentaire écoute du ciel avec le radiotélescope de Green Bank, en Virginie aux États-Unis, le 8 avril 1960. Le programme SETI, devenu le SETI Institute en 1984, a poursuivi ses écoutes mais avait failli disparaître par manque de crédits. En 2015, le milliardaire Iouri Milner l’a sauvé en finançant le projet Breakthrough Listen, qui a pour but de chercher des signes de vie intelligente dans les environs de plus d’un million d’étoiles situées dans une sphère de 1 000 années-lumière. Pour cela, plusieurs radiotélescopes sont mobilisés dans le monde, en Australie, en Afrique du Sud et aux États-Unis. Mais c’est bien le radiotélescope de Green Bank, le plus grand orientable au monde, qui a détecté les signaux intéressants des 17 chercheurs, avec l’aide… d’une intelligence artificielle.
Un algorithme pour passer au crible les signaux
En effet, la captation des signaux se traduit par l’accumulation d’une énorme quantité de données qu’il serait très difficile et long à trier et à analyser. Pour cette étude, les chercheurs ont réalisé 480 heures d’écoutes ce qui représente 150 téraoctets de données ! Les scientifiques ont donc optimisé un algorithme de deep learning (apprentissage automatique) mis au point par Peter Ma, mathématicien et physicien à l’université de Toronto et auteur principal de l’article de Nature Astronomy.
Grâce à cet algorithme, ils ont pu exclure les signaux parasites provenant de signaux GPS et téléphoniques terrestres. Ils ont ainsi passé au crible près de 3 millions de signaux radios en provenance de 820 étoiles écoutées, et n’en ont gardé que 20 000. Dans ce dernier lot, Peter Ma a sélectionné manuellement 8 signaux d’intérêt : ils étaient à bande étroite, à l’inverse des ondes émises par les astres, ce qui soulignerait une origine technologique. Ensuite, les fréquences de ces signaux évoluaient dans le temps, ce qui laisse supposer un déplacement de l’émetteur. Enfin, ces signaux n’apparaissaient que lorsqu’un télescope visait une étoile précise, un potentiel lieu d’émission. Ces signaux viennent de cinq astres situés entre 34 et 88 années-lumière de la Terre, une distance très faible au niveau de la galaxie mais encore inaccessible pour l’Homme.
« Ces résultats illustrent de manière spectaculaire la puissance de l’application des méthodes modernes d’apprentissage automatique et de vision par ordinateur aux défis liés aux données en astronomie, ce qui se traduit à la fois par de nouvelles détections et des performances supérieures. L’application de ces techniques à grande échelle transformera la science des technosignature radio », s’est réjouie Cherry Ng, astrophysicienne de l’équipe.
Objectif : 1 million d’étoiles
« Depuis le début des expériences SETI en 1960 avec le projet Ozma de Frank Drake à l’observatoire de Green Bank, les avancées technologiques ont permis aux chercheurs de collecter plus de données que jamais. Ce volume massif de données nécessite de nouveaux outils informatiques pour traiter et analyser rapidement ces données afin d’identifier les anomalies qui pourraient être la preuve d’une intelligence extraterrestre », rajoute le SETI Institute, qui n’entend pas en rester là.
« Nous allons étendre cet effort de recherche à un million d’étoiles aujourd’hui avec le télescope MeerKAT (en Afrique du Sud) et au-delà. Nous pensons qu’un travail comme celui-ci contribuera à accélérer le rythme auquel nous sommes en mesure de faire des découvertes dans notre grand effort pour répondre à la question sommes-nous seuls dans l’univers ? », a annoncé Peter Ma.