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Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

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Consommation sur Internet : perdant ou gagnant face à la fluctuation des prix ?

 

Le géant du e-commerce Amazon, un exemple de plate-forme qui utilise la tarification dynamique. Shutterstock
Par Sarah Benmoyal Bouzaglo, Université Paris Cité et Corina Paraschiv, Université Paris Cité

La stagnation des salaires, l’inflation record, la chute de la consommation des ménages viennent aujourd’hui considérablement redistribuer les cartes de notre société de consommation. Une stratégie utilisée par les sites de vente peut particulièrement renforcer ces phénomènes. On la nomme la tarification dynamique en ligne. Il s’agit d’une stratégie de variation incessante des prix à la hausse et à la baisse, à laquelle de plus en plus de sites ont recours pour des catégories différentes de produits ou de services.

À titre illustratif, cette méthode a été utilisée par le site Ticketmaster pour distribuer les billets des concerts de Bruce Springsteen dans le cadre de sa tournée 2023, avec des prix qui sont montés jusqu’à 5 000 dollars pour les places les plus prisées, menant les fans à s’insurger.

Le chanteur Bruce Springsteen
Certains billets pour les concerts de la tournée 2023 de Bruce Springsteen ont été mis à prix à 5 000 dollars. Andrés Fevrier/Flickr, CC BY

Nos travaux de recherche invitent particulièrement à envisager les conséquences que la tarification dynamique en ligne peut avoir sur les achats des consommateurs. Comment fonctionne-t-elle ? Quand leur profite-t-elle ou nuit-elle à leurs achats ? Quelles sont les options dont ils disposent pour la limiter ?

Comment ça marche ?

La tarification dynamique en ligne repose principalement sur le recours à des algorithmes d’intelligence artificielle utilisés pour orchestrer une fluctuation des prix pour un même produit ou service au cours du temps. Cette stratégie utilise, entre autres, des données relatives aux consommateurs (comme les fameux cookies collectés en ligne ou les informations volontairement données lors d’une inscription en ligne sur un site comme le nom ou l’âge) et les données du marché (comme les prix pratiqués par les concurrents). Cette méthode de fixation des prix permet, par exemple, à des sites de vente de réaliser une variation des prix en temps réel à l’instar d’Amazon, de Cdiscount ou de la Fnac.

L’automatisation algorithmique de la fixation du prix peut même devenir la base du modèle économique de certaines entreprises. Par exemple, pour l’application Uber, le prix est fixé instantanément selon l’offre et la demande, en s’appuyant, entre autres, sur la planification informatisée des courses demandées par les clients et du nombre de chauffeurs disponibles à ce moment-là pour une zone géographique donnée.

L’objectif premier d’une entreprise qui a recours à la tarification dynamique est de maximiser son profit. Ce dernier est encore plus optimisé lorsque cette méthode repose sur une personnalisation du prix pour chaque consommateur. Dans ce cas, l’algorithme utilisé mobilise, entre autres, son « consentement à payer » (correspondant au montant maximal qu’il est prêt à payer pour un produit), critère qui découle d’un calcul algorithmique prenant par exemple en compte son historique d’achats.

Le consommateur, gagnant ou perdant ?

Dans le cadre de la tarification dynamique en ligne, on peut légitimement se demander dans quelle mesure une variation continue des prix pour un produit identique mène le consommateur à se sentir gagnant ou perdant…

Deux formes extrêmes de tarification dynamique peuvent être identifiées. La première est une forme basique où le prix du produit ou du service proposé varie dans le temps de la même façon pour tous les consommateurs. La seconde forme est totalement personnalisée c’est-à-dire qu’un prix différent est appliqué à chaque consommateur en se basant sur l’estimation algorithmique de son « consentement à payer ». Dans ce second cas, les consommateurs se voient proposer au même moment des prix différents pour un article identique. L’évaluation du consentement à payer peut ne pas être le reflet de la réalité économique et sociale des individus. L’algorithme peut donc conduire à une surestimation de ce paramètre qui peut être perçue comme injuste par les individus et donc les mener à se sentir perdants.

De façon générale, quelle que soit l’approche utilisée pour la tarification dynamique en ligne, lorsqu’un prix est perçu comme élevé, le consommateur se voit comme perdant, à l’image des réactions des fans qui ne pouvaient s’offrir les places pour un des concerts de Bruce Springsteen. Tandis que lorsqu’il paie un prix qu’il perçoit comme bas, le consommateur en ressort gagnant.

Que peut faire le consommateur ?

Des outils traqueurs de prix se développent pour aider les consommateurs à retrouver l’historique des prix pratiqués par certaines plates-formes comme Amazon afin de décider si leur achat est à réaliser maintenant ou s’ils prennent le pari d’attendre. Il est également possible de trouver des sites qui aiguillent les consommateurs lors d’achat de produits particuliers quand la tarification dynamique en ligne devient fréquemment utilisée dans certains domaines comme pour les places de concert.

Les consommateurs peuvent aussi essayer autant que possible de limiter les données que les sites peuvent collecter en n’autorisant pas la collecte de cookies lorsqu’ils visitent un site. Ils peuvent aussi éviter de donner toutes les informations demandées lorsqu’ils saisissent un formulaire d’inscription. Il est également envisageable d’effectuer certains achats lorsque ce n’est pas la saison afin de s’assurer que la demande de produits est faible à l’instar de l’achat d’un parasol ou d’un barbecue en hiver.

Évidemment, la tarification dynamique soulève également la question de la responsabilité des entreprises. Ces dernières doivent s’interroger sur les limites des différents algorithmes auxquels elles peuvent avoir recours en intégrant les préoccupations des consommateurs. Par exemple, un enjeu pour les sites est de trouver comment minimiser les biais liés aux algorithmes qui peuvent engendrer des prix amenant à surévaluer le « consentement à payer » des individus. Pour chaque type de produit ou service, il s’agirait donc de s’interroger aussi sur les intervalles de variation de prix et les fréquences de changement du prix perçus comme acceptables par les potentiels acheteurs.

Par ailleurs, certains sites affichent officiellement le recours à cette stratégie à l’image d’Uber tandis que d’autres, tel qu’Amazon, décident de ne pas partager les secrets de fabrication de l’algorithme utilisé. À l’ère où les consommateurs appellent les entreprises à plus de transparence, les préoccupations éthiques des entreprises permettant aux individus de ne pas se sentir lésés en comprenant mieux les prix qui leur sont proposés lors de l’achat d’un produit peuvent finalement apparaître comme essentielles et s’avéraient être un atout stratégique.The Conversation

Sarah Benmoyal Bouzaglo, Maitre de conférences, Université Paris Cité et Corina Paraschiv, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Université Paris Cité

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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