Accéder au contenu principal

IA et algorithmes : comment conseiller sans manipuler ni espionner les consommateurs

Par  Zi WANG , IÉSEG School of Management Si l’IA peut se montrer une alliée des consommateurs pour leur recommander des produits, elle est à manier avec précaution. Car, si le consommateur veut bien être conseillé, il ne veut pas être manipulé. Ni se sentir espionné. Les systèmes de recommandation utilisant l’intelligence artificielle (IA) ne sont plus réservés aux géants mondiaux comme Amazon ou Netflix. Ils deviennent accessibles à des entreprises de toutes tailles. Par exemple en France, des firmes, comme La Redoute ou Cdiscount , utilisent des recommandations IA pour personnaliser les expériences d’achat en ligne de leurs clients. Ces investissements signalent l’importance de ces technologies dans la croissance du commerce numérique. Selon le rapport Statista de 2024 ( Statista Report 2024 ), ces systèmes influencent près de 35 % des achats en ligne démontrant leur impact considérable sur le comportement des consommateurs. Cependant, les consommateurs français sont...

Et si les « bureaux paysagers » des années 1960 revenaient à la mode ?

bureau

Par Jean-Pierre Bouchez, Université Paris-Saclay

L’entrée dans la décennie des années 1960 a marqué une forme de rupture en termes d’organisations spatiales : fini par exemple les grands pools d’employées dactylographes, ces dizaines de femmes en blouses blanches, sous surveillance, penchées sur leur « Remington », installées sur de simples tables alignées à des postes de travail standardisés. Ces espaces marqués par trois caractéristiques, ordre, discipline et recherche de l’efficacité sont assimilables à ce que l’ethnologue Marc Augé nommait en 1992, des « non-lieux » : des endroits réglés, interchangeables, anonymes et dénués d’interactions. d Parmi les initiatives qui ont fleuri alors à l’encontre de ces espaces tertiaires aux formes rigides, on retrouvait notamment celles des bureaux dits « paysagers » objet d’un développement dans notre ouvrage récent intitulé Le Travail et ses espaces, le pari du bien-être et de la performance, publié chez deboeck supérieur. Détourné rapidement après avoir été inventé, le concept pourrait cependant offrir des réponses à nombre de problématiques actuelles.

Un projet social

Ce sont les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle, consultants en organisation, qui inventent et mettent en œuvre, en 1958 ou 1959 selon les sources, une forme d’aménagement d’espaces tertiaires singulièrement innovante au sein de la société pharmaceutique Boehringer à Mannheim. Elle est qualifiée de « bureaux paysagers ». L’originalité de la démarche pour l’époque est de s’inscrire dans le cadre d’une pensée globale, mettant l’humain au cœur d’un projet intégrant la conception, le mobilier, les espaces de travail et le processus de travail. Ce projet socio-organisationnel se donnait pour objectif de remettre en cause des pratiques antérieures et plus particulièrement la symbolique verticale du pouvoir hiérarchique cloisonné, des statuts et des rangs symboliquement attribués.

Concrètement, l’approche consiste à créer une nouvelle configuration spatiale ouverte, supprimant portes et cloisons, considérées comme des obstacles à la communication. L’ensemble était enrichi d’un décor « paysager » agréable et vaste, engendrant une forme de désordre apparent. On y trouvait ainsi des mobiliers de rangement, de plantes vertes faisant office de séparateurs que l’on peut déplacer en fonction des besoins, de manière à ce que chacun puisse bénéficier d’une sphère personnelle d’intimité et d’autonomie.

Surtout, ces aménagements qualitatifs spatiaux se trouvaient agencés en fonction de la circulation des informations et des documents entre les personnes. Étaient ainsi placés côte à côte celles et ceux qui étaient amenés à échanger des documents et à collaborer régulièrement. Cette logique de flux privilégiait ainsi les liens fondés sur les échanges horizontaux et fonctionnels égalitaires et de proximité. Elle remettait ainsi en cause les représentations symboliques statutaires traditionnelles susceptibles, dans ce contexte, de constituer des obstacles à la circulation des informations. Par ailleurs, les déplacements des personnes étaient autorisés et les aménagements reconfigurables en fonction des besoins.

Dans l’esprit de ses fondateurs, cette approche répondait à un véritable projet social, prônant un espace égalitaire permettant à chaque employé de prendre conscience de sa place et de sa responsabilité au sein de la société. On se situe donc, au niveau de l’intention, à l’exact opposé des espaces de travail tertiaire de l’entre-deux-guerres standardisés et sous surveillance.

Aussitôt adopté, aussitôt détourné

Après le succès de la mise en œuvre du projet au sein de la société pharmaceutique Boehringer, le concept se déploie en 1961 dans les locaux la Bertelsmann Verlag à Gütersloh en Rhénanie-du-Nord, puis gagne rapidement les États-Unis et la France en 1965, notamment dans les compagnies d’assurance. IBM, Krupp, la BBC, des firmes de tout horizon l’adoptent. Le bureau paysager devient alors une forme de référence, d’autant qu’il est relativement rapide de le mettre en place. Nombre d’entreprises sont séduites par un nouveau « rapport à la nature ». Le terme même de « paysager » entre en écho avec des thématiques qui semblent très contemporaines au lecteur d’aujourd’hui : rapport à la nature, nouvel équilibre entre le travail de bureau et qualité de la vie…

Et pourtant, dès la fin des années 1980, le concept est abandonné, son image dégradée et son usage détourné. La première cause en est l’utilisation dans des établissements aux locaux inappropriés. De plus, lorsqu’ils se déployèrent aux États-Unis, ces espaces paysagers furent diversement réinterprétés par des fabricants de mobiliers, lesquels rivalisèrent de configurations novatrices pour les concepteurs, avec pour effet d’annihiler les intentions initiales.

La raison principale de l’abandon des bureaux paysagers tient en effet au fait qu’ils ont amené avec eux une volonté systématique de certaines firmes de contracter et d’optimiser les surfaces de travail. C’est alors aussi du côté des usagers que vont apparaître les mécontentements et les contestations : manque d’intimité, fatigue liée aux nuisances sonores et aux déplacements ou encore difficulté de se concentrer. Ces soucis demeurent d’une redoutable actualité. Enfin, pour être complet, il faut souligner que la crise de l’énergie, l’arrivée de l’informatique et de la bureautique tertiaire ont également grandement contribué à remettre le modèle en cause.

Trop en avance ?

Il y a déjà plus de soixante ans, les frères Schnelle, créateurs des « bureaux paysagers » avaient proposé un véritable projet socio-organisationnel visant au départ à privilégier les relations fonctionnelles horizontales de proximité entre collègues Il tendait ainsi à remettre en cause la logique statutaire verticale et créant ainsi de nouveaux « lieux de vie » professionnels, se substituant radicalement aux « non-lieux ». Il ouvrait alors les perspectives de responsabilisation individuelles et collectives qui seront déployées par certaines entreprises éclairées dans la période contemporaine.

La logique financière, associée à l’optimisation des surfaces, pourtant antérieure au déploiement du flex-office, contribua à détourner ce projet de son intention initiale. On peut ainsi penser d’une certaine manière que cette innovation spatiale serait apparue trop en avance, en décalage sur son temps. Elle réémergera partiellement à travers les nouveaux espaces fondés sur les activités (Activity Based Working) à partir des années 2010, sans pour autant s’inscrire aussi nettement dans une remise en cause des statuts.The Conversation

Jean-Pierre Bouchez, Directeur de recherches en sciences de gestion, Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est poss...

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance lo...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...