Accéder au contenu principal

Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

  Les fortes variations du cours du bitcoin sont-ils le signe de sa folle jeunesse ? Shutterstock Oatawa Par  Hervé Alexandre , Université Paris Dauphine – PSL Pour quelles raisons le cours de l’or et celui du bitcoin se sont-ils envolés au mois de février 2024 ? Faut-il voir dans cette concordance davantage qu’un hasard, l’un devenant après l’autre une valeur refuge prisée des particuliers et bientôt des institutionnels comme semblait l’indiquer la chroniqueuse économique de France Infos ? Avant de tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, rappelons que, de manière générale, notre monde se numérise inexorablement. À part quelques nostalgiques et autres collectionneurs, nous n’achetons plus de disque en vinyle ni de CD. Nous téléchargeons des morceaux de musique, quand nous ne les écoutons pas tout simplement en streaming . Dans ce dernier cas, moyennant le paiement d’un abonnement, nous pouvons écouter un morceau sans

Et si les « bureaux paysagers » des années 1960 revenaient à la mode ?

bureau

Par Jean-Pierre Bouchez, Université Paris-Saclay

L’entrée dans la décennie des années 1960 a marqué une forme de rupture en termes d’organisations spatiales : fini par exemple les grands pools d’employées dactylographes, ces dizaines de femmes en blouses blanches, sous surveillance, penchées sur leur « Remington », installées sur de simples tables alignées à des postes de travail standardisés. Ces espaces marqués par trois caractéristiques, ordre, discipline et recherche de l’efficacité sont assimilables à ce que l’ethnologue Marc Augé nommait en 1992, des « non-lieux » : des endroits réglés, interchangeables, anonymes et dénués d’interactions. d Parmi les initiatives qui ont fleuri alors à l’encontre de ces espaces tertiaires aux formes rigides, on retrouvait notamment celles des bureaux dits « paysagers » objet d’un développement dans notre ouvrage récent intitulé Le Travail et ses espaces, le pari du bien-être et de la performance, publié chez deboeck supérieur. Détourné rapidement après avoir été inventé, le concept pourrait cependant offrir des réponses à nombre de problématiques actuelles.

Un projet social

Ce sont les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle, consultants en organisation, qui inventent et mettent en œuvre, en 1958 ou 1959 selon les sources, une forme d’aménagement d’espaces tertiaires singulièrement innovante au sein de la société pharmaceutique Boehringer à Mannheim. Elle est qualifiée de « bureaux paysagers ». L’originalité de la démarche pour l’époque est de s’inscrire dans le cadre d’une pensée globale, mettant l’humain au cœur d’un projet intégrant la conception, le mobilier, les espaces de travail et le processus de travail. Ce projet socio-organisationnel se donnait pour objectif de remettre en cause des pratiques antérieures et plus particulièrement la symbolique verticale du pouvoir hiérarchique cloisonné, des statuts et des rangs symboliquement attribués.

Concrètement, l’approche consiste à créer une nouvelle configuration spatiale ouverte, supprimant portes et cloisons, considérées comme des obstacles à la communication. L’ensemble était enrichi d’un décor « paysager » agréable et vaste, engendrant une forme de désordre apparent. On y trouvait ainsi des mobiliers de rangement, de plantes vertes faisant office de séparateurs que l’on peut déplacer en fonction des besoins, de manière à ce que chacun puisse bénéficier d’une sphère personnelle d’intimité et d’autonomie.

Surtout, ces aménagements qualitatifs spatiaux se trouvaient agencés en fonction de la circulation des informations et des documents entre les personnes. Étaient ainsi placés côte à côte celles et ceux qui étaient amenés à échanger des documents et à collaborer régulièrement. Cette logique de flux privilégiait ainsi les liens fondés sur les échanges horizontaux et fonctionnels égalitaires et de proximité. Elle remettait ainsi en cause les représentations symboliques statutaires traditionnelles susceptibles, dans ce contexte, de constituer des obstacles à la circulation des informations. Par ailleurs, les déplacements des personnes étaient autorisés et les aménagements reconfigurables en fonction des besoins.

Dans l’esprit de ses fondateurs, cette approche répondait à un véritable projet social, prônant un espace égalitaire permettant à chaque employé de prendre conscience de sa place et de sa responsabilité au sein de la société. On se situe donc, au niveau de l’intention, à l’exact opposé des espaces de travail tertiaire de l’entre-deux-guerres standardisés et sous surveillance.

Aussitôt adopté, aussitôt détourné

Après le succès de la mise en œuvre du projet au sein de la société pharmaceutique Boehringer, le concept se déploie en 1961 dans les locaux la Bertelsmann Verlag à Gütersloh en Rhénanie-du-Nord, puis gagne rapidement les États-Unis et la France en 1965, notamment dans les compagnies d’assurance. IBM, Krupp, la BBC, des firmes de tout horizon l’adoptent. Le bureau paysager devient alors une forme de référence, d’autant qu’il est relativement rapide de le mettre en place. Nombre d’entreprises sont séduites par un nouveau « rapport à la nature ». Le terme même de « paysager » entre en écho avec des thématiques qui semblent très contemporaines au lecteur d’aujourd’hui : rapport à la nature, nouvel équilibre entre le travail de bureau et qualité de la vie…

Et pourtant, dès la fin des années 1980, le concept est abandonné, son image dégradée et son usage détourné. La première cause en est l’utilisation dans des établissements aux locaux inappropriés. De plus, lorsqu’ils se déployèrent aux États-Unis, ces espaces paysagers furent diversement réinterprétés par des fabricants de mobiliers, lesquels rivalisèrent de configurations novatrices pour les concepteurs, avec pour effet d’annihiler les intentions initiales.

La raison principale de l’abandon des bureaux paysagers tient en effet au fait qu’ils ont amené avec eux une volonté systématique de certaines firmes de contracter et d’optimiser les surfaces de travail. C’est alors aussi du côté des usagers que vont apparaître les mécontentements et les contestations : manque d’intimité, fatigue liée aux nuisances sonores et aux déplacements ou encore difficulté de se concentrer. Ces soucis demeurent d’une redoutable actualité. Enfin, pour être complet, il faut souligner que la crise de l’énergie, l’arrivée de l’informatique et de la bureautique tertiaire ont également grandement contribué à remettre le modèle en cause.

Trop en avance ?

Il y a déjà plus de soixante ans, les frères Schnelle, créateurs des « bureaux paysagers » avaient proposé un véritable projet socio-organisationnel visant au départ à privilégier les relations fonctionnelles horizontales de proximité entre collègues Il tendait ainsi à remettre en cause la logique statutaire verticale et créant ainsi de nouveaux « lieux de vie » professionnels, se substituant radicalement aux « non-lieux ». Il ouvrait alors les perspectives de responsabilisation individuelles et collectives qui seront déployées par certaines entreprises éclairées dans la période contemporaine.

La logique financière, associée à l’optimisation des surfaces, pourtant antérieure au déploiement du flex-office, contribua à détourner ce projet de son intention initiale. On peut ainsi penser d’une certaine manière que cette innovation spatiale serait apparue trop en avance, en décalage sur son temps. Elle réémergera partiellement à travers les nouveaux espaces fondés sur les activités (Activity Based Working) à partir des années 2010, sans pour autant s’inscrire aussi nettement dans une remise en cause des statuts.The Conversation

Jean-Pierre Bouchez, Directeur de recherches en sciences de gestion, Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces