Baromètre les Français et le numérique : un usage toujours plus marqué mais une défiance qui persiste
Notre société est de plus en plus numérisée et, régulièrement, des études se penchent sur la façon dont les Français s’approprient le numérique, l’utilisent dans leur vie quotidienne personnelle ou professionnelle. La 12e édition du Baromètre de la Confiance des Français dans le numérique, réalisée par l’ACSEL en partenariat avec Toluna Harris Interactive, apporte un éclairage sur un vrai paradoxe français : des usages numériques toujours plus marqués mais une défiance qui persiste.
Une confiance numérique fragile face à la recrudescence des escroqueries
En effet, moins d’un Français sur deux (44 %) déclare avoir confiance dans l’utilisation d’internet. Un chiffre préoccupant mais stable, qui coïncide avec une préoccupation devenue centrale : la multiplication des fraudes en ligne. En 2025, près d’un Français sur deux déclare en avoir été victime, un bond de huit points en un an. L’hameçonnage (45 %), les arnaques commerciales (32 %) et l’usurpation d’identité (30 %) sont désormais des expériences vécues et plus seulement des risques hypothétiques.
Cette situation n’est pas sans réponse. Les Français se montrent plus avertis : 63 % se disent informés sur les moyens de se protéger et 59 % estiment être correctement équipés.
L’authentification forte reste la pierre angulaire de cette défense numérique (68 %), tandis que l’identité numérique — encore balbutiante il y a quelques années — connaît une nette progression dans sa perception comme rempart efficace (+ 4 points).
Réseaux sociaux : un usage massif, une confiance effritée
Le contraste est aussi saisissant côté réseaux sociaux : alors que 92 % des internautes fréquentent au moins une plateforme sociale, seuls 38 % leur accordent leur confiance. Cette défiance s’ancre notamment dans deux préoccupations : l’usurpation d’identité et le cyberharcèlement, qui touchent 35 % des utilisateurs. Fait notable, 88 % des Français se prononcent pour une obligation de vérification d’identité sur ces plateformes, signe d’un glissement progressif vers une régulation plus stricte.
Cette exigence de transparence s’étend aussi à la sphère informationnelle. Si 63 % des internautes s’informent via les réseaux sociaux, seulement 41 % font confiance à ce qu’ils y lisent. Les médias traditionnels, bien qu’en perte de vitesse, restent les repères les plus crédibles (69 % de confiance pour les sites de presse comme celui de ladepeche.fr).
La désinformation apparaît comme le principal péril aux yeux des internautes français, loin devant les fraudes et les manipulations de l’opinion, et près d’un tiers des internautes appellent à plus de rigueur dans la citation des sources, la vérification des faits et la présentation de preuves.
Intelligence artificielle : une adoption rapide, une méfiance durable
L’intelligence artificielle, notamment générative, poursuit quant à elle sa démocratisation. 70 % des internautes y ont déjà eu recours, un chiffre porté par les jeunes générations (87 % des 15-24 ans). Si l’usage reste majoritairement personnel (68 %), les usages professionnels gagnent du terrain (+ 5 points). Pourtant, 46 % des Français déclarent ne pas faire confiance à l’IA, et 83 % réclament une mention explicite lorsqu’un contenu est généré par ce biais.
La double nature de l’IA se révèle pleinement : perçue à la fois comme une menace pour l’emploi (60 %) et comme une opportunité (47 %), elle cristallise les tensions.
Secteur bancaire et identité numérique : des bastions de confiance
Face à cette défiance généralisée, deux domaines se démarquent positivement. Le secteur bancaire, d’abord, bénéficie d’un regain de confiance : 70 % des Français estiment qu’il n’est pas risqué de consulter ses comptes en ligne, une progression notable. L’usage de la double authentification et l’essor des services d’agrégation de comptes (via des applications) chez les jeunes y contribuent.
Ensuite, l’identité numérique prend racine. FranceConnect est utilisé par 62 % des répondants et bénéficie de la confiance de 77 %, au coude-à-coude avec les systèmes bancaires (B. Connect : 73 %). Près de 7 internautes sur 10 jugent qu’un portefeuille numérique certifié, comme l’envisage l’Union européenne, pourrait devenir une norme, marquant une étape vers une gestion plus sécurisée et centralisée des identités en ligne.
Les constats du baromètre de l’ACSEL viennent compléter utilement les enseignements du dernier Baromètre du numérique 2024 publié par l’Arcep en mars. Ce dernier confirmait l’omniprésence du smartphone (91 % de taux d’équipement), l’essor de la fibre (75 % des abonnements fixes) et la numérisation des usages dans tous les secteurs, de la domotique à la santé. Mais il mettait aussi en lumière les effets d’une consommation numérique effrénée : surexposition aux écrans, consommation mobile excessive, faible taux de réemploi des équipements et inquiétudes croissantes quant à l’impact du numérique sur les plus jeunes.
L’articulation entre ces deux études dessine, d’évidence, une cartographie contrastée : celle d’une société ultra-connectée, qui progresse dans sa maturité numérique, mais cherche encore les garde-fous indispensables à une confiance durable.