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L’offensive des voitures autonomes se prépare

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Les plateformes à l’assaut de l’État : vers un néoféodalisme numérique ?

 

La posture antiétatiste d’un Elon Musk ne se limite pas à la volonté d’affirmer un nouvel ordre institutionnel au sein de la culture politique occidentale. Les fondements mêmes de cette culture définie par le droit et les règlements sont mis à bas. Gerd Altmann
Par Virginie Tournay, Sciences Po et Guy Saez, Sciences Po Grenoble

Les grandes firmes numériques restructurent l’espace politique sous une forme que l’on peut qualifier de néoféodale. Le contrat social fondé sur l’idéal républicain d’une communauté de semblables s’efface, au profit de liens personnels d’individu à individu. Pour les firmes, l’enjeu est le contrôle du cyberespace, notamment l’utilisation des données personnelles, mais aussi la prise en charge de la santé, de la sécurité ou de la mobilité des usagers, jusqu’alors assurées par les États.


La nomination de l’entrepreneur Elon Musk à l’agence de l’efficacité gouvernementale (DOGE) est marquée par une rhétorique libertarienne qui appelle à privatiser la puissance publique en une entreprise dotée d’attributs de souveraineté. L’ambition politique affirmée consiste à démanteler le coûteux édifice de l’État-providence. Mais cette posture antiétatiste ne se limite pas à l’affirmation d’un nouvel ordre institutionnel au sein de la culture politique occidentale. Ce sont en réalité les fondements de cette culture définie par le droit et les règlements qui sont mis à bas.

Comme l’avait théorisé Thomas Hobbes dans son Léviathan, nos modèles d’organisation du pouvoir s’appuient sur une rationalisation légale des rapports entre les individus et de l’État. À l’échelle internationale, cela se traduit par le système westphalien qui institue des relations entre États souverains, réglées surtout par des traités. Sans empêcher l’expression de désaccords publics, cette rationalisation rompt avec l’arbitraire des situations de guerre et avec le despotisme. Le politique constitue un phénomène objectivable, autorisant des mobilisations partisanes et une légitimité acquise par le vote.

Le tournant néoféodal

Avec le tournant numérique s’ouvre une brèche au profit de ce que l’on pourrait qualifier de néoféodalisme. La prudence oblige à reconnaître que des formules telles que le « nouveau Moyen Âge » ou le « retour au Moyen Âge » posent plus de problèmes qu’elles n’éclairent l’actualité. Pour autant, des marqueurs du féodalisme ont des implications politiques et anthropologiques qui justifient de mobiliser cette notion.

Au niveau interne, le néoféodalisme se traduit par la dispersion des centres de pouvoir et l’affirmation de la personnalité des liens. Le contrat social fondé sur l’idéal républicain d’une communauté de semblables s’efface au profit de liens personnels d’individu à individu.

Au plan international, cette organisation du pouvoir se traduit par un état de guerre permanent, larvé ou déclaré par des États-nations qui se considèrent comme des empires. Le président Vladimir Poutine déclarant que la Russie n’a pas de frontières ou la volonté états-unienne d’annexer le Canada et le Groenland sont emblématiques de cette posture.

Tandis que, depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la question essentielle du système politique porte sur les relations entre citoyens et pouvoirs publics, le néoféodalisme structure l’organisation du pouvoir à partir des condottières des grandes firmes, comme l’a montré Shoshana Zuboff. Derrière une concurrence économique féroce, l’enjeu est le contrôle du cyberespace, notamment l’utilisation des données personnelles au mépris des droits des citoyens.

L’association du féodalisme et du règne de la tech n’est pas nouvelle, mais elle a surtout alimenté une critique des dérives capitalistiques de l’économie numérique. Or, la montée en puissance de cette contre-culture néoféodale n’est pas l’affirmation d’un courant politique auquel on pourrait opposer une autre tendance comme un socialisme de la donnée. Les dynamiques du Web confrontent fondamentalement les sociétés à un changement drastique du paysage civique, c’est-à-dire des relations réciproques du citoyen à la puissance publique.

Des plateformes qui concurrencent les États par leur offre de services

Aux États-Unis, l’autorité fédérale et les oligarques de la tech liés par leurs allégeances, imposent en même temps qu’un système complet d’offre de services, des liens de dépendance à leur population amenant à un usage des écrans pouvant conduire à une addiction. Les plateformes proposent désormais des outils pour faciliter le quotidien des populations et leur donner, à terme, satisfaction dans tous les domaines d’activité avec une offre particulièrement efficiente.

En contrepartie, les contenus et les données de chacun sont soumis aux fameux terms of use (conditions d’utilisation) qui échappent en grande partie au contrôle démocratique des citoyens, voire aux États. Les plateformes numériques obéissent d’ailleurs à une logique propre de constitutionnalisation : elles ont leur propre ordre juridique de régulation. Libres d’adapter leurs algorithmes, les fiefs numériques sont aux antipodes du contrat social républicain fondé sur l’égalité en droits et la construction d’un horizon commun.

Instance de captation massive de l’attention des populations, les outils numériques font désormais partie du quotidien : ils modifient le rapport immédiat à la connaissance et aux institutions. L’attention des individus est concentrée en priorité sur le caractère spectaculaire des contenus en ligne qui privilégient les affects et les thèses complotistes.

Dès lors, la recherche de l’information n’est plus passible d’un discours logique comme dans des États qui légitiment des autorités institutionnelles fondées sur des compétences acquises (organismes de recherche, école, enseignement) et sur l’accumulation de connaissances (bibliothèques, musées) : la connaissance par « moteur de recherche » renvoie au contraire à tous les contenus mis en ligne indépendamment de leur solidité. Quant à la certification sociale, elle ne repose plus sur les organisations productrices de connaissances, mais sur la viralité des contenus.

Un autre effet lié à l’essor des plateformes conversationnelles est le délitement de l’espace public, consubstantiel à la démocratie. En effet, la mise en équivalence des expressions privées et publiques sur les réseaux sociaux transforme la signification de l’espace public. On passe d’une représentation abstraite de l’échange d’arguments (dans un espace public idéal), à un flux continu d’informations et de sensibilités individuelles.

Notons que, par leur capacité à connecter les réseaux amicaux et affinitaires, les médiations numériques suscitent un fort sentiment de proximité. De même, la maîtrise d’un outil interactif va de pair avec un sentiment d’intégration chez les jeunes générations, qui expriment moins d’intérêt pour les médias traditionnels.

Le régime néoféodal, marqué par l’intensification de l’usage d’Internet, ne coupe donc pas l’individu du reste de la société. En revanche, les institutions publiques ne pourraient désormais y constituer qu’une option possible parmi d’autres pour organiser la vie collective et garantir la sécurité des populations.

Dévitalisation de la puissance publique ?

Pourrait-on voir dans ces évolutions un risque majeur de dévitalisation progressive de l’État ? La question mérite attention, car les institutions publiques dépendent de plus en plus de la dynamique des grandes firmes du cyberespace, qui se concentrent principalement aux États-Unis et en Chine.

Les États seront-ils, demain, en mesure d’assurer une mission régalienne de sécurité auprès des populations ? On peut craindre que ces dernières délèguent en priorité la prise en charge de leur santé, de leur sécurité et de leur alimentation aux plateformes – l’enjeu ultime étant le contrôle des imaginaires qui pourraient passer en grande partie sous le contrôle des industries culturelles. Dans ce scénario, on assisterait à une mutabilité plus prononcée de l’attachement institutionnel des citoyens en faveur des plateformes.

Les plateformes seront-elles un jour en mesure de procurer une sécurité comparable à celle que les États ont assurée ces derniers siècles ? Est-on à la veille de voir ces infrastructures évoluer vers des proto-États ?

S’il est trop tôt pour répondre à ces questions, on est en droit de penser que l’usage régulier des plateformes numériques altère certainement l’adhésion au contrat social républicain et les fondements de nos démocraties.The Conversation

Virginie Tournay, Directrice de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Sciences Po et Guy Saez, Directeur honoraire CNRS, Sciences Po Grenoble

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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