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Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

Réseaux sociaux : quels usages favorisent le bien-être ?

 

social media

Par Didier Courbet, Aix-Marseille Université (AMU)

Les réseaux sociaux ont « un impact sur le développement affectif, sensoriel, cognitif d’un enfant ». Ces paroles sont celles du président Emmanuel Macron qui appelle à mettre en œuvre des recommandations pour « le bon usage des écrans […] parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».

Quel impact psychologique de l’excès de médias numériques ?

Mais comment éduquer les enfants si les parents sont eux-mêmes très souvent devant des écrans ? Cette question est d’autant plus importante que des recherches ont montré que nombres d’usages des écrans, et surtout des réseaux sociaux, sont également liés à des problèmes psychologiques chez les adultes et ce, sans même que les utilisateurs aient conscience de ces liens.

Mais il y a une bonne nouvelle : on peut se protéger de ces problèmes et les solutions ne passent pas nécessairement par la diminution du temps d’écran.

D’une manière globale, des études sur de larges populations montrent que plus on utilise les médias numériques (smartphones, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo…) et plus on est susceptible de souffrir de problèmes psychologiques (émotions négatives, anxiété, symptômes dépressifs…).

Les récentes recherches montrent que si les liens entre les utilisations de ces médias et l’altération du bien-être sont significatifs, l’ampleur n’est tout de même pas très élevée.

Par exemple, chez les adolescents, jusqu’à présent, les écrans ne causeraient pas le « tsunami délétère » que certains annoncent parfois.

Cependant, ces résultats globaux masquent de grandes différences entre individus, certains seraient plus touchés que d’autres. Analysons les deux grands processus impliqués dans les états affectifs négatifs et les altérations du bien-être.

Se comparer sur les réseaux présente des effets délétères

Dans notre vie, se comparer aux autres est un besoin social fondamental qui permet d’obtenir des informations sur soi, de s’autoévaluer et de construire son identité sociale.

Si ce processus, normal, est souvent mis en œuvre de manière automatique, c’est-à-dire non intentionnelle et non consciente dans notre vie quotidienne, il est mis en œuvre de la même manière sur les réseaux sociaux. Toutefois, sur les réseaux, chacun essaye de présenter l’image de soi et ses activités d’une manière fortement valorisée. Les photos sont, par exemple, judicieusement construites et travaillées dans ce but.

Nombreuses sont alors les comparaisons en notre défaveur : à partir de son profil et de ses posts, nous allons considérer que telle personne, que nous connaissons plus ou moins, est « mieux que nous » (sur le plan physique, sur le plan de ses compétences dans la vie…) ou a « une plus belle vie que la nôtre ».

Ainsi, comme notre image de soi et notre estime personnelle est construite à la suite de nos interactions avec les autres, ces comparaisons dites ascendantes, peuvent altérer notre propre image et augmenteraient tristesse et mal-être.

Attention aussi aux situations de vulnérabilité accrue !

Dans le processus de comparaison, les récentes recherches montrent que nous sommes différents les uns des autres. Examinons quelques cas où les personnes se comparent plus que les autres sur les réseaux sociaux, ce qui les rend plus vulnérables aux problèmes psychologiques.

En effet, il faut savoir que certains individus ressentent davantage, dans leur vie, le besoin de se comparer aux autres. Ils vont alors, bien plus souvent que les autres, se comparer sur les réseaux sociaux et ce, sans même qu’ils en aient conscience.

D’autre part, certaines personnes sont plus « matérialistes » que d’autres (les matérialistes pensent que le bonheur réside dans la possession matérielle). Globalement, elles passent plus de temps sur les réseaux sociaux que les personnes « non matérialistes ». Dans les informations qu’elles postent, elles affichent plus souvent que les autres les biens qu’elles possèdent et vont fortement se comparer pour entrer « en compétition » avec les autres et tenter de les surpasser. Les conséquences sont souvent délétères pour elles.

On sait également que les personnes qui n’ont pas une bonne image d’elles-mêmes, plutôt anxieuses, timides et hypersensibles sont également fortement sensibles aux comparaisons sociales.

Sur les réseaux sociaux, des études ont montré qu’elles utilisent des stratégies de présentation de soi plus valorisantes afin de diminuer l’angoisse sociale et d’accroître leur estime de soi.

Ces personnes sont également plus sensibles aux commentaires des autres qui, s’ils sont positifs, les rassurent quant à leur appartenance à des groupes sociaux et à leur identité sociale. À l’inverse, des commentaires négatifs altèrent facilement leur bien-être.

D’autres recherches ont également montré que plus les personnes présentent des symptômes dépressifs, plus elles se comparent aux autres. Elles entrent ensuite dans un cercle vicieux : plus elles se comparent et plus cela augmente leurs symptômes dépressifs initiaux.

Développer son intelligence numérique plutôt que diminuer son temps d’écran

On comprendra, dès lors, qu’une première solution n’est pas de diminuer le temps d’écran mais davantage de modifier la manière d’utiliser les médias numériques et notamment les réseaux sociaux. Globalement, le défi pour l’être humain aujourd’hui est de mieux s’adapter à ce nouvel environnement digital en développant une nouvelle forme d’intelligence : l’intelligence numérique.

Celle-ci est définie comme la capacité à bien s’adapter, grâce à des procédures mentales spécifiques, à un environnement numérique en mutation permanente et à interagir de manière optimale avec cet environnement pour satisfaire nos besoins psychologiques, et sociaux. Et ce, tout en préservant, voire en améliorant notre santé physique et mentale.

Ainsi, une fois que l’usager prend conscience du processus de comparaison à l’œuvre sur les réseaux sociaux, il peut mettre en place des « stratégies cognitives » conscientes pour corriger les conséquences potentiellement délétères pour lui.

Il peut par exemple chercher, d’une part, à diminuer le temps qu’il passe à regarder les infos que les autres postent sur eux-mêmes pour se valoriser, et d’autre part, se construire un “beau profil” et poster des informations sur lui-même dont il pourra être fier, aussi bien sur un plan personnel que social. En effet, poster des informations valorisantes pour soi contribue à améliorer son estime personnelle.

Des « usages passifs » qui nuisent aux relations avec nos proches

Le deuxième processus impliqué dans les états affectifs négatifs et l’altération du bien-être concerne les relations que nous entretenons sur les réseaux sociaux avec nos proches, c’est-à-dire les personnes psychologiquement et socialement importantes pour nous (famille, amis chers).

Les récentes recherches montrent que le bien-être dépend avant tout des relations positives et chaleureuses que nous établissons avec nos proches.

Or, de nombreuses pratiques sur Internet nuisent à ses relations si précieuses pour nous. C’est notamment le cas des jeux vidéo qui se jouent seul ou avec des inconnus en ligne. De même, lorsque nous passons du temps à naviguer sur les réseaux sociaux simplement pour lire ou regarder les posts ou vidéos mis en ligne par des individus que nous ne connaissons pas ou peu. C’est ce que les chercheurs nomment les « usages passifs ». Autant de temps non consacré à interagir avec nos proches.

Émoticônes, vocaux et autres modes de partage positifs

À l’inverse, toutes les pratiques qui favorisent les relations sociales et affectives avec les proches comme des appels téléphoniques, les messages vocaux (entendre la voix d’un proche aimé apporte des émotions positives) ou écrits (les émoticônes affectivement chargés transmettent « de bonnes émotions »).

Pour être précis, les relations qui accroissent le plus le bien-être sont celles qui, d’une part, sont perçues comme réciproques, chacun montrant de l’intérêt pour l’autre, et, d’autre part, sont perçues comme véritablement chaleureuses.

De même, les vidéos et les divertissements sont bénéfiques lorsqu’ils favorisent l’interaction avec les proches en permettant de vivre des expériences socio-émotionnelles positives qui rapprochent affectivement.

Par exemple, lorsque les divertissements sont regardés ensemble en présentiel, offrant alors des moments de partages sociaux agréables lors desquels, par exemple, on rit ensemble, ou lorsqu’ils font l’objet d’un partage en ligne où on sait que nous allons surprendre ou faire rire nos proches, par écrans interposés.

Enfin, n’oublions pas que les médias numériques facilitent également les rencontres en présentiel (sorties, soirées…) avec les proches. Ainsi, s’ils sont bien utilisés, les médias numériques sont bénéfiques pour le bien-être, nous donnent le sentiment que nous sommes bien intégrés socialement et favorisent les relations affectives chaleureuses avec ceux que nous apprécions.The Conversation

Didier Courbet, Professeur et Chercheur en Sciences de la Communication, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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