Accéder au contenu principal

Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

  Par  Sibylle Turo , Université de Montpellier et Anne-Sophie Cases , Université de Montpellier Aujourd’hui, les écrans et les notifications dominent notre quotidien. Nous sommes tous familiers de ces distractions numériques qui nous tirent hors de nos pensées ou de notre activité. Entre le mail important d’un supérieur et l’appel de l’école qui oblige à partir du travail, remettant à plus tard la tâche en cours, les interruptions font partie intégrante de nos vies – et semblent destinées à s’imposer encore davantage avec la multiplication des objets connectés dans les futures « maisons intelligentes ». Cependant, elles ne sont pas sans conséquences sur notre capacité à mener à bien des tâches, sur notre confiance en nous, ou sur notre santé. Par exemple, les interruptions engendreraient une augmentation de 27 % du temps d’exécution de l’activité en cours. En tant que chercheuse en psychologie cognitive, j’étudie les coûts cognitifs de ces interruptions numériques : au

Données personnelles : l'eurodéputée Françoise Castex dans la bataille qui valait des milliards

Un data center de Google


Il s’agit d’une coïncidence de calendrier mais elle illustre bien les enjeux colossaux qui vont se jouer cette semaine au Parlement européen. Jeudi dernier, on apprenait que le géant d’internet Google gagnait un milliard de dollars par mois. Une performance due au savoir-faire de la firme californienne dans la collecte et l’exploitation des données de ceux qui utilisent gratuitement ses services. C’est justement le traitement de ces données personnelles que le Parlement européen souhaite encadrer avec la révision de sa directive qui remonte à 1995, autant dire une ère préhistorique à l’échelle d’internet.
Dans cette bataille qui vaut des milliards, une étape cruciale va se jouer ce lundi. La commission « Libertés civiles » du Parlement européen doit, en effet, adopter son rapport sur le futur règlement européen encadrant l’exploitation de nos données personnelles. Un vote crucial qui a été précédé d’intenses actions de lobbying de la part des géants de l’internet qui, bien sûr, souhaitent un cadre réglementaire le plus léger possible, comme l’explique à La Dépêche l’eurodéputé François Castex (lire ci-dessous). Le texte sera ensuite discuté entre le Conseil européen, la Commission et les rapporteurs du Parlement avant d’être adopté définitivement vers avril 2014.

Reprendre le contrôle

D’ores et déjà, plusieurs experts estiment que ce texte arrive bien tard, tant la collecte des données s’est généralisée à grande échelle. Il y a bien sûr les données laissées par les internautes sur les réseaux sociaux – parfois sans en mesurer les conséquences – et puis il y a les données collectées au fil de nos parcours sur internet. Le profilage des internautes atteint des sommets qui inquiètent nombre d’associations de défense des consommateurs. A l’image de la Quadrature du net, qui vient de lancer un site internet pédagogique (www.controle-tes-donnees.net) pour « proposer des guides permettant aux citoyens de tenter de reprendre le contrôle de leurs données sans attendre l’entrée en vigueur de ce nouveau cadre législatif. » Car sur ce sujet, il appartient à chaque citoyen d’être vigilant.

Françoise Castex : « La marchandise, c’est nous »

Françoise Castex est eurodéputée du Sud Ouest, spécialistes des questions numériques.

Pourquoi la directive et le règlement européens actuels ne sont plus suffisants ?
La directive de 1995 – qui arrivait après notre loi informatique et libertés de 1978 – ne prenait pas du tout en compte internet et la question des données personnelles. La philosophie de notre loi française est beaucoup plus protectrice sur le traitement des fichiers alors que la directive était plutôt sur la facilitation de la circulation des données. Il fallait donc réviser la directive et là on revient à une philosophie de protection de la vie privée, des consommateurs… Mais qui rentre en conflit avec la logique de la libre circulation.

Un bras de fer s’opère, en effet, entre des eurodéputés et les grandes firmes qui veulent exploiter ses données.
Oui, il y a eu une très très grosse opération de lobbying. Avant l’affaire Prism, Google, Apple, etc. ont fait un lobbying violent pour alléger les contraintes et les normes de protection. Selon une enquête américaine, la valeur des données personnelles des Européens est estimée à 300 milliards d’euros et d’ici 10-15 ans, cela représenterait 1 000 milliards d’euros. Il y a donc une valeur marchande. Toutes ces industries de l’internet donnent un accès gratuit à leurs services parce que la marchandise, c’est nous. Si on met des normes, comme le consentement explicite pour l’utilisation des données, on introduit une contrainte technologique qui va restreindre le flux de données utilisé par ces entreprises. Il y a donc un gros enjeu économique autour de cette directive ; et pour le Parlement européen un gros enjeu de protection de la vie privée, du consommateur. Non seulement nos données personnelles peuvent être atteintes, mais on peut aussi être grugé : dès qu’on va sur internet, on essaie de capter une adresse IP, de connaître nos habitudes de consommation, notre catégorie socioprofessionnelle, etc. Ensuite ces données sont utilisées pour faire des offres commerciales ou formater l’offre commerciale, y compris au niveau du prix, en fonction du profil. Les données personnelles ont une valeur d’usage mais aussi une valeur marchande. C’est là qu’il y a un conflit important : il y a un clivage droite-gauche. Les libéraux européens ne voient que la traduction en termes de PIB.

L’affaire Prism, les écoutes de la NSA américaine, va-t-elle changer les choses ?
C’est évident. Cela a déjà eu un poids dans les négociations. Il y a eu 3 000 amendements ; les rapporteurs sont arrivés à 300 amendements de compromis, ce qui représente des heures de négociations. Tous les compromis ne sont pas encore sur la table et on vote ce lundi soir. On ne sait pas encore exactement quel va être le vote final. Des points seront votés, comme la protection ; mais il reste des incertitudes sur la façon dont on traite les pseudonymes, sur les sous-traitants, ou encore sur le rôle des autorités nationales de contrôle (en France c’est la CNIL).

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl