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Les plateformes à l’assaut de l’État : vers un néoféodalisme numérique ?

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Atos : quels enseignements tirer d’une débâcle spectaculaire ?

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Par Jean-Paul Alibert, CEO de T-Systems France

Quel avenir pour Atos, ex-fleuron français de l’informatique ? Entre annonces, rebondissements et échéances, c’est la question qui anime nombre de débats économiques et politiques. La gestion de l’activité d’infogérance d’Atos est une vraie source d’enseignement dans la compréhension de la faillite actuelle. Tirons-en les leçons pour prendre, pour nos entreprises, des directions stratégiques porteuses et pérennes.

Acquérir sans vraiment intégrer : l’erreur première d’Atos

Atos a construit sa croissance sur une stratégie d’acquisition massive. Le sujet n’est pas ici de savoir si les rachats étaient ou non pertinents, mais bien de questionner l’intégration des différentes structures au fur et à mesure des fusions. N’oublions pas qu’une réorganisation consomme environ 25% des ressources en temps et en énergie des équipes. Ces dix dernières années, il y a eu au sein d’Atos une réorganisation par an, imputant considérablement la valeur ajoutée des différents métiers. En outre, les multiples changements de direction ont déstabilisé l’entreprise.

La division d’infogérance d’Atos a été victime de cette stratégie. Trop surchargé en coûts financiers, il n’a pas pu investir dans son cœur de métier et dans le développement d’offres clés (comme le cloud) qui l’auraient positionné sur l’avenir de son secteur. Les résultats opérationnels n’ont pas été au rendez-vous, dégradant à la fois l’image et la compétitivité de cette activité d’Atos. Plutôt que de concentrer les énergies sur la réorganisation, il aurait fallu traiter les problèmes de fond, et développer l’infogérance d’infrastructures IT comme un modèle industriel propre, afin de rester agile sur un marché en mouvement perpétuel.

L’adaptabilité du modèle industriel : un impératif absolu

Le secteur de la technologie étant en perpétuelle évolution, il est essentiel de s’adapter continuellement, et de trouver le juste équilibre entre maintien d’un cap stratégique et repositionnements réguliers. Les transformations structurelles des entreprises de l’infogérance doivent se décider et se traiter à l’horizon de leurs contrats, donc au moins cinq ans.

Accepter de transformer son modèle pour rester compétitif, c’est être capable à la fois de comprendre l’évolution de la demande du marché, et d’adapter son « delivery », soit l’ensemble des étapes et processus permettant la bonne réalisation d’une mission (études, planning, reporting, budget…).

De nombreuses erreurs de positionnement sont en effet la résultante d’une vision court terme guidée par le rendement immédiat. Certains fonds et banques d’affaires ont ainsi tendance à privilégier des opérations de fusion ou d’acquisition qui ne correspondent ni au rythme industriel ni à la réalité de terrain.

Le marché de l’IT est riche d’exemples d’entreprises ayant bien négocié ce tournant stratégique. Prenons le cas des éditeurs de logiciels. Il y a 10 ans, ils vendaient des licences. Aujourd’hui, ils sont tous fournisseurs de SaaS.

Intelligence artificielle : le nouveau virage technologique à ne pas manquer

S’il y a bien un sujet qu’il est impératif de considérer avec attention, c’est celui de l’intelligence artificielle. Cette dernière représente une nouvelle forme de disruption qui révolutionne le rapport aux services professionnels.

Une partie des acteurs ont déjà amorcé des changements stratégiques pour intégrer l’assistance des algorithmes dans l’ensemble de leurs services informatiques. Les métiers du développement, de l’infogérance et de la cybersécurité, doivent être à la pointe de l’innovation. Rester alerte et réactif est essentiel.

Les erreurs de positionnement commises par Atos sur le marché du cloud ne doivent pas se reproduire avec l’intelligence artificielle. Intégration lors des fusions-acquisitions, agilité et adaptabilité, opportunités liées à l’IA… tirons les enseignements de l’expérience Atos : il en va de la compétitivité et de la pérennité de nos grandes entreprises françaises. 

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