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Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

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Google, l’application des lois antitrust et l’avenir de la souveraineté numérique européenne

google

Par Anne C. Witt, EDHEC Business School

Google est poursuivi par les justices européenne et états-unienne. Les pratiques du géant numérique sont-elles conformes au droit de la concurrence ? Le débat fait rage alors qu’États-Unis et Union européenne s’opposent sur de multiples dossiers, dont la régulation des activités internet.


Depuis ses débuts de start-up « étudiante », en 1998, Google a connu une ascension fulgurante. En 2025, sa société mère, Alphabet, est devenue un vaste conglomérat technologique multinational et l’une des entreprises les plus rentables au monde. Si l’expansion d’Alphabet s’est faite en grande partie par croissance interne, le groupe a également étendu son empire grâce à des acquisitions judicieuses, notamment celles d’Android, de DoubleClick ou encore de YouTube. Depuis 1998, elle a acquis au moins 267 entreprises.

Alphabet est un acteur clé sur de nombreux marchés numériques, notamment la recherche générale sur Internet, les navigateurs, la publicité en ligne, les systèmes d’exploitation mobiles et l’intermédiation. Google Search, par exemple, est aujourd’hui le moteur de recherche généraliste le plus utilisé au monde. Au niveau mondial, sa part de marché est d’au moins 78 % depuis 10 ans.

Sans surprise, les autorités antitrust, dont la mission est de protéger la concurrence, ont examiné de près le comportement de Google et celui d’autres géants de la technologie. Bien que le fait de détenir un pouvoir de marché ne soit pas illégal s’il résulte d’un produit supérieur, le fait de protéger une telle position par des moyens qui ne sont pas méritoires l’est.

Aux États-Unis, ce printemps 2025 est crucial pour le géant américain : le 17 avril, sur le secteur des technologies publicitaires, Google a été jugé coupable d’avoir maintenu illégalement sa position dominante ; le 21 avril s’est ouvert un autre procès, pour trois semaines, qui vise à déterminer les sanctions appliquées à l’entreprise, reconnue coupable en août dernier d’« abus de position dominante » sur le marché de la recherche en ligne.

Comment l’Union européenne a-t-elle géré jusqu’à présent le cas de la firme californienne ? Comment cela s’articule-t-il avec les décisions outre-Atlantique, et avec les risques associés aux réactions de l’administration Trump ? Entre opportunités et risques d’escalade, l’Europe marche sur un chemin étroit.

La conduite de Google sous surveillance

Ces dernières années, une inquiétude n’a cessé de grandir : que Google puisse utiliser des moyens anticoncurrentiels pour protéger et étendre ses positions dominantes sur les principaux marchés numériques. En 2017, 2018 et 2019, la Commission européenne a infligé à Google des amendes successives, se chiffrant au total à plus de 8 milliards d’euros, pour abus de position dominante sur des marchés clés, soit plus que toute autre grande entreprise technologique à ce jour.

Une quatrième enquête sur les agissements de Google sur le marché des technologies publicitaires, dans le cadre de laquelle la Commission européenne est susceptible de demander des changements structurels dans les activités publicitaires de Google, est en train de se terminer. Les autorités nationales de la concurrence des États membres de l’UE ont également activement appliqué les règles européennes et nationales en matière d’abus de position dominante. Des actions collectives privées, en matière d’antitrust pour dommages et intérêts, s’ajoutent aux malheurs de Google.

En 2022, l’UE a promulgué la loi sur les marchés numériques (DMA pour « Digital Markets Act ») afin de créer – contre les pouvoirs de marché dominants – un outil supplémentaire pour intervenir sur les marchés des plateformes. La DMA réglemente le comportement des entreprises dites « contrôleuses d’accès », dans le but de rendre les marchés plus contestables pour les concurrents et plus équitables pour les utilisateurs. En septembre 2023, la Commission européenne a désigné Alphabet comme contrôleur d’accès sur pas moins de huit marchés de plateformes pour les services suivants : Google Search, Google Maps, Google Play, Google Shopping, Google Ads, Chrome, YouTube et Google Android.

Quelques jours après que les règles du DMA sont devenues contraignantes pour Alphabet en mars 2024, la Commission européenne a ouvert la première enquête de non-conformité pour déterminer si Google Search continuait de traiter les services d’Alphabet plus favorablement que ceux de ses concurrents, et si Google Play empêchait les développeurs d’applications d’orienter les consommateurs vers d’autres canaux pour de meilleures offres.

Colère à la Maison Blanche

Le champ d’application territorial de ces règles est limité aux services proposés dans les pays de l’Union européenne. Elles ne réglementent pas le fonctionnement de Google aux États-Unis, qui est soumis à la législation antitrust américaine. Néanmoins, les mesures d’application de la Commission européenne ont provoqué la colère de l’administration Trump.

En février 2025, la Maison Blanche a publié un mémorandum intitulé « Defending American Companies and Innovators From Overseas Extortion and Unfair Fines and Penalties » qui conteste les mesures antitrust et réglementaires européennes à l’encontre des entreprises américaines. Selon l’administration Trump, les règles de l’UE s’apparentent à des restrictions non tarifaires et à un traitement inéquitable des entreprises américaines, et elles interfèrent avec la souveraineté américaine. Le mémorandum souligne que Washington n’hésitera pas à imposer des droits de douane et d’autres mesures nécessaires pour atténuer le préjudice causé aux États-Unis.

Selon l’Union européenne, de telles actions reviendraient à une coercition économique et porteraient atteinte à sa souveraineté législative pour décider dans quelles conditions les services sont offerts sur le sol européen. En 2022, probablement en prévision d’une éventuelle deuxième présidence Trump, elle a promulgué l’instrument dit « anti-coercition », qui permet à la Commission européenne d’imposer un large éventail de « mesures de riposte », notamment des droits de douane et des restrictions sur les importations, sur les exportations, sur les droits de propriété intellectuelle, sur les investissements directs étrangers et sur l’accès aux marchés publics. De telles mesures de rétorsion pourraient être imposées aux services numériques américains.

Risque d’escalade

La situation risque d’accroître encore le risque d’une guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis. Cependant, le différend sur la réglementation technologique ne semble pas porter sur des principes antitrust fondamentaux en soi.

En 2020, la Chambre des représentants des États-Unis a publié un rapport bipartite soulignant la nécessité pour les États-Unis de remédier au manque de concurrence sur les marchés numériques et au pouvoir de monopole de plateformes dominantes telles qu’Amazon, Apple, Facebook et Google. La Commission fédérale du commerce (Federal Trade Commission ou FTC) et le ministère de la justice ont par la suite intenté des poursuites antitrust contre ces quatre entreprises, dont la plupart sont toujours en cours.

France 24 – 2024.

De son côté, le ministère de la justice a intenté deux poursuites antitrust distinctes contre Google en 2020 et en 2023. Dans la première affaire, un tribunal de district de Washington DC a reconnu Google coupable en août 2024 de violation de la section 2 de la loi antitrust Sherman, et a établi que Google avait tenté de protéger son pouvoir de monopole sur le marché de la recherche générale par des moyens anticoncurrentiels. Le juge Amit P. Mehta détermine actuellement les mesures correctives appropriées, et le ministère de la justice, qui a récemment réitéré sa demande au juge de démanteler Google, joue un rôle central dans le procès qui vient de démarrer, pour trois semaines, et qui vise à déterminer les sanctions appliquées au géant américain (puisque l’entreprise avait été reconnue coupable en août d’avoir maintenu illégalement sa position dominante) – sanctions pouvant aller jusqu’à l’obligation de vendre son navigateur Chrome, ou jusqu’à de possibles restrictions sur l’IA.

La deuxième affaire américaine contre Google, sur le secteur des technologies publicitaires en ligne, a également connu une accélération ce printemps : un tribunal de district de Virginie vient en effet de rendre un verdict positif sur l’implication de l’entreprise dans des actions anticoncurrentielles. Les accusations formulées sont similaires à celles qui sous-tendent l’enquête en cours de la Commission européenne sur le comportement de Google sur le marché des technologies publicitaires. Le nouveau directeur de la Federal Trade Commission a souligné récemment que les Big Tech sont une priorité majeure de son agence. Il semble y avoir des inquiétudes des deux côtés de l’Atlantique quant au fait que Google restreigne la concurrence. Le nœud du problème, très probablement, est que les régulateurs européens disent aux entreprises américaines ce qu’elles doivent faire, puisqu’elles « opèrent » sur le territoire européen à travers les services numériques proposés à des millions d’utilisateurs européens.

Un manque d’équivalents européens aux Big Tech

La Commission européenne semble déterminée à continuer d’appliquer ses règles antitrust et le DMA. Le 19 mars 2025, elle a informé Alphabet que son évaluation préliminaire avait montré que le comportement de Google dans le domaine de la recherche et dans le Google Play Store était incompatible avec le DMA. De plus, les premières décisions de non-conformité à l’encontre d’Apple et de Meta, en vertu de la DMA, sont attendues sous peu, même si les amendes pourraient bien rester inférieures au maximum de 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial d’une entreprise, autorisé par la loi, compte tenu de sa nouveauté.

L’Europe n’est pas un marché négligeable pour Google et les autres entreprises technologiques américaines. En 2024, Google aurait généré 29 % de son chiffre d’affaires mondial, soit 100 milliards de dollars, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.

L’Europe n’a pas d’équivalents à Google ou à d’autres grandes entreprises technologiques, et l’UE importe aujourd’hui 80 % de ses technologies numériques. En septembre 2024, le rapport Draghi a lancé un avertissement sévère aux dirigeants de l’Union européenne, soulignant la diminution de la stabilité géopolitique et la nécessité pour l’Europe de se concentrer sur la réduction de l’écart d’innovation avec les États-Unis et la Chine dans les technologies de pointe. Moins de cinq mois plus tard, la Commission européenne a publié le Compas de la compétitivité, une feuille de route visant à restaurer le dynamisme de l’UE et à stimuler la croissance économique.

Les mesures potentielles à ce stade, agitées par la Maison Blanche en possibles représailles à l’application des directives antitrust et réglementaires européennes, pourraient bien donner un élan supplémentaire à ce processus. Le président Trump ne peut pas rendre à la technologie européenne sa grandeur d’antan (« great again »), car cela n’a jamais été le cas. Mais ses politiques pourraient involontairement contribuer à y parvenir.The Conversation

Anne C. Witt, Professor of Law, Augmented Law Institute, EDHEC Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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